Dans l'arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 6 janvier 2000 (première espèce), un enfant de 12 ans pénètre sur un chantier de construction et manie sur une butte de terre une barre métallique, longue de 6.10 m, qu'il a lui-même introduit sur le chantier, avec laquelle il heurte une ligne électrique et se blesse. Dans l'arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 18 mars 2004 (seconde espèce), un enfant de 10 ans se brûle par de l'essence qui a enflammé son pantalon, pendant qu'il séjourne chez ses grands-parents.
Dans la première espèce les parents assignent le maître d'ouvrage, l'entrepreneur et le maître d'oeuvre du chantier, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, afin de réparer le préjudice subi par l'enfant. Dans la seconde espèce les parents assignent les grands-parents en réparation du dommage. Après un jugement en première instance, la Cour d'appel déboute la demande des parents. Ces derniers forment un pourvoi en cassation selon le moyen que, les grands-parents ont commis une faute en laissant un accès facile au bidon d'essence, se trouvant dans un cabanon non fermé à clé.
Dans quelle mesure le dommage subi par un enfant peut-il déterminer la responsabilité pour faute d'une personne considérée comme responsable?
Il faut considérer dans un premier temps que le maître d'oeuvre et les grands-parents sont tenus de certaines obligations pour prévenir le préjudice, de même que le comportement de l'enfant peut avoir une incidence sur la survenance de ce dommage (1) ; pour déterminer dans un second temps, si la prévisibilité du dommage est déterminante, ou non, de la responsabilité pour faute délictuelle du maître d'oeuvre et des grands-parents (2).
[...] L'enfant a mis en place un stratagème qui a malencontreusement causé son dommage. De même, dans la seconde espèce l'enfant qui n'est pas jugé comme “indiscipliné ou turbulent” s'introduit dans le cabanon, se saisit du bidon d'essence et doit même aller chercher un moyen de mise à feu à un autre endroit, puisqu'il n'y a pas dans le cabanon. Dans les deux cas, on considère que l'attitude de l'enfant est imprudente et déviante du comportement normal. Le comportement caractérisant la normalité étant celui du père de famille”. [...]
[...] La responsabilité du fait personnel : commentaire comparé des documents 2 (Civ janvier 2000) et 3 (Civ mars 2004) L'arrêt Branly rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 février 1951 note Desbois), pose les principes de la faute par abstention, que l'on appelle également faute par omission. En effet, la faute prévue par les articles 1382 et 1383 du Code Civil peut consister aussi bien dans une omission que dans un acte positif. L'abstention, même si elle n'est pas dictée par des intentions nuisibles, engage la responsabilité de son auteur lorsque le fait omis devait être accompli soit en vertu d'une obligation légale, réglementaire ou conventionnelle, soit encore comme dans l'affaire Branly, en vertu d'une obligation professionnelle. [...]
[...] Dans la seconde espèce, une obligation pèse également sur les grands- parents même si elle n'est pas explicitement prévue par la loi. En effet, l'article 1384 alinéa 4 du Code Civil vise la responsabilité des parents, la responsabilité des grands-parents ne pouvant être envisagée qu'à travers celle-ci. Pourtant, lorsque les petits-enfants mineurs séjournent chez les grands-parents, on retrouve l'idée d'une obligation de surveillance. Les articles 1382 et 1383 du Code Civil sous-entendent le fait de ne pas nuire, mais également de prévenir tout dommage. [...]
[...] Dans les deux espèces le rôle de l'enfant est déterminant quant à la réalisation du dommage, la seule différence étant dans la prévisibilité ou non du dommage. Les grands- parents sont entièrement exonérés de leur responsabilité, alors que le maître d'oeuvre doit répondre d'un tiers des dommages. Pourtant, les grands- parents auraient pu éviter le dommage s'ils avaient surveillé de près l'enfant. On remarque aisément que la jurisprudence ne souhaite pas élever ces solutions en principe, mais laisse aux juges le soin d'apprécier les affaires au cas par cas. [...]
[...] Par conséquent, on peut se demander si le dommage était objectivement prévisible. La Cour retient que le chantier était en partie contigu à un terrain de football dans lequel l'enfant allait jouer, ce terrain n'étant nullement séparé du chantier par une clôture. De plus, il n'y avait aucune mesure dissuasive de ce côté-ci pour éviter que des personnes puissent y pénétrer, et ce chantier servait auparavant de terrain de jeu pour les enfants du quartier. Ainsi, en prenant en compte tous ces éléments la Cour de cassation affirme que le dommage était prévisible, puisqu'il était probable voir même évident que des enfants risquaient de s'introduire sur le chantier, si on ne les en dissuadait pas, par conséquent: maître d'oeuvre a commis une négligence de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil”. [...]
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