« Le requérant qui introduit un recours en annulation contre un règlement ou une décision adressée
à un tiers, se trouve en réalité dans la situation de quelqu'un qui pénètre dans un labyrinthe, qui ne
serait pas quelle voie choisir et qui ne sait si ce sera la bonne. »
G. Vandersanden, dans son article intitulé « Pour un élargissement du droit des particuliers
d'agir en annulation contre des décisions autres que les décisions qui leur sont adressées », traite de
la problématique du particulier face au recours en annulation. En effet selon lui, il n'est plus
possible au particulier, requérant non privilégié, de se fonder sur des règles stables en matière de
recevabilité. Ce propos est renforcé par la multiplication de nouvelles règles qui se sont
développées à propos de cas spécifiques ou de contentieux particuliers et qui semblent avoir acquis
une autonomie par rapport à la jurisprudence traditionnelle, au point de s'en détacher, voire de la
contredire.
Mais quelle est la position de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et
du Tribunal de première instance (TPI) concernant la possibilité pour une personne morale ou
physique de demander l'annulation d'un acte de portée générale tel un règlement devant le juge
communautaire ? Un long débat doctrinal et jurisprudentiel a traité de cette question de la qualité à
agir. Les exigences en sont énoncées à l'alinéa 4 de l'article 230 du Traité CE : « Toute personne
physique ou morale peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions qui,
bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne,
la concerne directement et individuellement. »
Cette disposition n'a pas été réécrite depuis l'origine même si le caractère restrictif du texte est
critiqué. En effet, la CJCE a exprimé, dans plusieurs arrêts, la volonté de libéraliser les conditions
exprimées par l'article plus particulièrement en ce qui concerne la condition d'individualisation.
Cependant, les arrêts de la Cour et plus largement des juridictions communautaires ne se
caractérisent pas par une homogénéité constante. En effet, une contradiction célèbre est apparue
entre le TPI et la CJCE sur la question que nous avons à traiter : dans un arrêt du 3 mai 2002 Jégo-
Quéré c/ Commission Européenne, le TPI critique toute la lignée jurisprudencielle de la CJCE sur
les conditions cumulatives. Le TPI s'émancipe car il veut assouplir l'interprétation de la condition
d'individualisation du requérant. Dans cet arrêt, le tribunal considère que l'entreprise requérante est
individuellement concernée par une disposition communautaire de portée générale lorsque la
disposition en question affecte de manière certaine et actuelle la situation juridique du requérant en
restreignant ses droits ou en lui imposant des obligations.
Mais la réaction de la CJCE ne va pas se faire attendre dans l'arrêt du 25 juillet 2002 UPA c/
Conseil : la Cour va refuser de suivre le TPI et va le rappeler à l'ordre. Pour la Cour, la circonstance
qu'un requérant n'ait pas eu accès à un juge interne n'est pas de nature à justifier l'ouverture du
recours en annulation car elle considère que le requérant peut invoquer l'exception d'illégalité de
l'article 241 T. CE. Cette position a d'ailleurs été réaffirmée par la Cour dans l'arrêt du 1er avril
2004 Jégo-Quéré et Cie SA c/ Commission qui annule l'arrêt du TPI concernant le même cas
d'espèces.
Récemment, le TPI a manifesté sa volonté de suivre la jurisprudence de la juridiction
suprême communautaire à l'égard de cette question à l'occasion de l'ordonnance du 6 juillet 2004,
Alpenhain Camembert Werk / Commission, Affaire T-370/02.
En 1994, le gouvernement grec a demandé à la Commission l'enregistrement de la dénomination
« Feta » en tant qu'appellation d'origine protégée, conformément à la procédure simplifiée du
règlement du 14 juillet 1992 (article 17). Cette demande a été satisfaite par le règlement du 12 juin
1996. Cependant, cette disposition a été contestée devant la CJCE au motif que la Commission
n'avait pas suffisamment tenu compte des facteurs qui auraient permis de reléguer la dénomination
« Feta » au rang de dénomination générique. Après avoir supprimé la dénomination litigieuse du
registre des appellations d'origine protégée, la Commission réexamine la demande d'enregistrement
du gouvernement grec et engage une nouvelle procédure simplifiée qui aboutit à l'adoption d'un
nouveau règlement à l'origine du litige étudié.
[...] On en déduit donc comme le fait le tribunal que le règlement ne peut, en principe, faire l'objet d'un recours de la part d'un particulier visant à contester sa légalité et partant, à l'annuler de l'ordonnancement juridique. En effet, selon la lettre de l'article 249 alinéa 2 T.CE le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout Etat membre le règlement est une mesure de portée générale c'est-à-dire qui s'applique à des sujets de droit dont la situation juridique a été appréciée de manière objective. [...]
[...] Les requérantes invoquent à l'appui de leur recours, principalement, la violation des articles 3 et 17 du règlement de base du 14 juillet 1992 notamment en ce qui concerne les droits procéduraux qui leur seraient accordés et le droit à une protection juridictionnelle effective. Elles font également savoir, à l'aide d'un argument de fond, qu'elles sont individualisées par rapport au règlement en cause du fait qu'elles sont économiquement concernées. Elles invoquent aussi un argument de forme : le recours à la procédure simplifiée de l'article 17 du règlement de base et non à la procédure normale qui permet à tout Etat membre de s'opposer à l'enregistrement effectué. [...]
[...] En effet, il n'exclut pas la possibilité pour ce type d'acte de concerner individuellement un particulier. Il va s'attacher alors à examiner les différents critères d'individualisation dégagés par la CJCE. Tous ces critères, le tribunal va les rejeter les uns après les autres après leur examen. On peut d'ailleurs constater que dans ce contexte le tribunal adopte une attitude pédagogique dans la mesure où elle examine des critères qui n'ont pas été invoqués par les requérantes. Il expose ainsi une surabondance de motifs. [...]
[...] Récemment, le TPI a manifesté sa volonté de suivre la jurisprudence de la juridiction suprême communautaire à l'égard de cette question à l'occasion de l'ordonnance du 6 juillet 2004, Alpenhain Camembert Werk / Commission, Affaire T-370/02. En 1994, le gouvernement grec a demandé à la Commission l'enregistrement de la dénomination Feta en tant qu'appellation d'origine protégée, conformément à la procédure simplifiée du règlement du 14 juillet 1992 (article 17). Cette demande a été satisfaite par le règlement du 12 juin 1996. [...]
[...] Cette disposition n'a pas été réécrite depuis l'origine même si le caractère restrictif du texte est critiqué. En effet, la CJCE a exprimé, dans plusieurs arrêts, la volonté de libéraliser les conditions exprimées par l'article plus particulièrement en ce qui concerne la condition d'individualisation. Cependant, les arrêts de la Cour et plus largement des juridictions communautaires ne se caractérisent pas par une homogénéité constante. En effet, une contradiction célèbre est apparue entre le TPI et la CJCE sur la question que nous avons à traiter : dans un arrêt du 3 mai 2002 JégoQuéré Commission Européenne, le TPI critique toute la lignée jurisprudentielle de la CJCE sur les conditions cumulatives. [...]
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