La multiplication récente des ensembles contractuels, c'est-à-dire des contrats qui, tout en conservant leur identité propre, poursuivent la réalisation d'une même opération globale, pose la question de savoir si la définition de la cause ne devrait pas être l'objet d'un certain renouvellement. L'approche classique selon laquelle la cause doit être recherchée exclusivement au sein du contrat qui donne naissance à l'obligation, semble ici rencontrer ses limites.
C'est du moins ce que semble affirmer la première chambre civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 13 juin 2006, suite à l'assignation par M.X..., artiste-compositeur-interprète, des sociétés d'édition Kapagama et Kosimus, en nullité de trois contrats - dont un de cession, et un autre d'édition - conclu avec ces dernières, en 1996 et 1997, par lesquels il leur confiait l'exploitation de ses oeuvres, dans le cadre d'illustration sonore d'oeuvres audiovisuelles (...)
[...] En effet, l'initiative de cette opération reposant sur la volonté des parties, il s'agit désormais pour le juge de déterminer dans quelle mesure les parties ont voulu lier les contrats entre eux, et surtout dans quel but elles ont contracté. Une nouvelle définition de la cause, d'inspiration subjectiviste Cette conception, inaugurée par la Cour de Cassation au cours de la dernière décennie du XXe siècle, a d'ailleurs conduit la doctrine à considérer une nouvelle définition de la cause, d'inspiration essentiellement subjectiviste (qui considère donc in concreto les mobiles des parties au contrat), selon laquelle la cause incarne le but contractuel commun aux parties ou poursuivi par l'une d'elles, et pris en compte par les autres En effet, au cours des années 1990, la Cour de Cassation, dans des décisions remarquées, a –tout en continuant d'avoir recours à la notion traditionnelle de cause-contrepartie procédé à une certaine subjectivisation de la cause, conférant ainsi à celle-ci un rôle beaucoup plus actif. [...]
[...] Le principe d'économie du contrat réactualisé l'indivisibilité : une cause unique au contrat multiple Adaptée à l'hypothèse des contrats isolés, l'approche classique en termes de cause de l'obligation ne convient pas à celle des ensembles contractuels. En prévoyant que la cause doit être recherchée exclusivement au sein du contrat qui donne naissance à l'obligation, elle enferme cette notion dans le contrat. Débouchant sur un cloisonnement rigide des contrats, elle se révèle inapte à prendre en compte le fait que peut exister entre certains contrats une véritable unité fonctionnelle (d'ailleurs, la jurisprudence classique réaffirme cette idée, notamment en cas de vente financée par un prêt, l'obligation de l'emprunteur réside dans la mise à disposition des fonds nécessaires, le prêt demeurant ainsi causé). [...]
[...] Reprenant l'argumentaire de la Cour d'Appel afin d'en montrer les errances, la Cour de Cassation remarque qu' il n'est pas renvoyé de manière précise au contrat d'édition. Elle met donc en lumière un certain manque de rigueur, puisque la Cour d'Appel fonde l'annulation du contrat de cession précisément sur le fait que les obligations à la charge des sociétés d'édition ne constituent pas une contrepartie valable, au sacrifice de l'artiste-compositeur-interprète qui a consenti à une cession matérielle des bandes et des droits voisins de producteur pour une somme symbolique d'un franc Ayant considéré que le principe d'économie du contrat n'était pas respecté au regard des contrats de cession et d'édition, la cour a annulé le contrat de cession. [...]
[...] Cette dernière sanctionne la vision parcellaire de la Cour d'Appel qui considère la cause contrat par contrat, alors que l'on est en présence de plusieurs contrats économiquement liés ; cette liaison qui repose dès lors sur la notion d'indivisibilité - justifiant, à son regard, l'existence réelle d'une cause à l'obligation litigieuse. Bien que la Cour d'Appel n'ait pas omis de considérer le lien existant entre le contrat d'édition et le contrat de cession, la Cour de Cassation la sanctionne, et affirme une conception nouvelle de la cause, transcendant le principe d'économie. [...]
[...] Ainsi, la cour se positionne dans ces débats doctrinaux, en statuant en faveur d'une approche globale des ensembles contractuels, et surtout en confiant aux juges la mission de rechercher si la volonté des parties n'avait pour objet la conclusion de contrats multiples, dans un seul et même objectif ; elle se prononce donc en faveur d'une conception subjective de la cause. La juxtaposition du concept de cause subjective L'importance de la recherche de l'intention des parties La décision de la Cour de Cassation vise donc à protéger un principe de sécurité contractuelle, en vertu duquel le contrat ne pourra être annulé sans envisager l'éventualité d'un ensemble contractuel. [...]
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