Cet arrêt de la chambre civile en date du 6 janvier 1943 concerne la détermination du lien de causalité entre le fait générateur de la responsabilité délictuelle et le dommage.
En l'espèce, le propriétaire d'une automobile avait laissé celle-ci garée sur la voie publique sans la fermer. Cette faute d'imprudence avait permis à un voleur de s'en emparer. Dans la nuit, ce voleur renverse un piéton qui décède. L'individu, auteur de l'accident, n'étant pas retrouvé, la famille du piéton a décidé d'agir contre le propriétaire de la voiture.
La Cour d'appel déboute la famille en écartant la responsabilité du propriétaire.
Dès lors, se pose la question de savoir s'il y a un lien direct de causalité entre la faute d'imprudence du propriétaire et le dommage causé par le voleur pour justifier l'action en responsabilité délictuelle.
A cette question, la Cour de cassation répond par la négative, et soutient la position de la Cour d'appel par la même occasion.
Ainsi, la Cour de cassation rejette ici la théorie de l'équivalence des conditions. En effet, avec cette théorie, on aurait décidé de condamner le propriétaire, car sans la faute initiale d'imprudence, il n'y aurait pas eu de vol, donc d'accident.
D'où, l'intérêt de cet arrêt concernant le raisonnement pour déduire cette absence de lien de causalité (I) ; une solution que la doctrine qualifie le plus souvent de consécration de la causalité adéquate (II).
[...] Dès lors, se pose la question suivante : pourquoi une telle distinction ? Ne serait-il pas plus logique de sanctionner la faute d'imprudence du propriétaire de la chose, faute qui pourrait dans certains cas, être considérée comme une provocation au vol ? Une faute parfois inexcusable de la part du propriétaire qui devrait être sanctionnée d'après la théorie de l'équivalence des conditions. Et inversement, un auteur critique l'application de celle-ci dans l'arrêt de la deuxième chambre civile du 17 mai 1973 : Et pourquoi l'enfant infirme, ne réclamerait-il pas aux auteurs de ses jours le prix de son infirmité en choisissant au besoin un fautif à travers les générations qui l'ont précédé ? [...]
[...] L'article 1384 alinéa 1er dispose qu'on est responsable non seulement du dommage qui l'on cause par son propre fait, mais encre de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde Or, cette première action a été d'ores et déjà rejetée. En effet, la voiture ayant été dérobée, la garde de la chose est passée à une autre personne, le voleur. Il est logique pour le propriétaire dépossédé impromptu de son bien, de voir sa présomption de responsabilité de l'article 1384 alinéa 1 mise hors de cause, en cas de préjudice à autrui causé par la chose inanimée. Donc intervient la seconde action, celle fondée sur l'article 1382. [...]
[...] 2ème janvier 1959). Il en va de même à propos d'une femme qui avait laissé sa voiture, portières ouvertes, devant le domicile de son neveu aux fréquentations douteuses (civ. 2ème mars 1981). De plus, dans l'arrêt de la deuxième chambre civile en date du 17 mars 1977, la Cour de cassation approuve la Cour d'appel d'avoir jugé que le comportement exceptionnel du voleur n'était pas normalement prévisible pour la société de travaux publics. Ces termes peuvent faire penser à la théorie de la causalité adéquate. [...]
[...] Il apparaît évident que la chambre civile rejette dans cet arrêt, la théorie dominante de l'équivalence des conditions. Dans cette théorie, est considéré comme cause, tout événement selon lequel le dommage ne serait pas survenu (la condition sine qua non Tous ces événements sont considérés comme équivalents, puisqu'en l'absence de l'un d'entre eux, le dommage ne serait pas survenu. Si parmi ces événements, figure la faute d'un défendeur, ce dernier sera jugé cause de l'intégralité du dommage, même si d'autres causes se sont conjuguées à sa faute. [...]
[...] Cette note écrite en 1973 apparaît comme une prémonition de l'arrêt Perruche et démontre la difficulté quant à la justesse de la détermination du lien de causalité dans la responsabilité délictuelle par la jurisprudence. [...]
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