Depuis la loi du 3 janvier 1972 posant le principe d'égalité successorale et donc de réserve héréditaire entre enfants légitimes et enfants naturels, il était incompréhensible de refuser de donner la même protection aux enfants selon leur filiation. Une évolution sur ce point a longtemps été voulue et a abouti notamment à l'arrêt à commenter de la première chambre civile de la Cour de cassation du 29 janvier 2002. En l'espèce, le 19 novembre 1983, Daniel Z a épousé madame Y sous le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution exclusive de la communauté au survivant. Il était précisé que cette clause valait qu'il existe des enfants ou non et que ses actions dans deux sociétés lui restaient propres. Il est décédé le 29 décembre 1987. A l'ouverture de la succession, un litige opposa sa veuve à sa sœur et ses neveux et nièces. Mais le litige qui nous intéresse est celui qui est intervenu entre la veuve et Mademoiselle X, fille naturelle du défunt dont la possession d'état n'était pas contestée. Elle invoque les dispositions de l'article 1527, alinéa 2 du Code civil qui permet l'action en retranchement à l'encontre des avantages matrimoniaux ayant pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la quotité disponible. La Cour d'appel de Reims déboute mademoiselle X dans son arrêt du 14 septembre 1999 au motif que ce texte ne concerne que les enfants d'un précédent mariage, mais pas les enfants naturels. Mademoiselle X a formé un pourvoi en cassation.
Mais l'action en retranchement prévue pour les enfants nés d'un précédent mariage peut-elle être étendue aux enfants naturels ?
La Haute Cour décide de casser l'arrêt de la Cour d'appel pour violation de texte, en se fondant sur l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), ainsi que l'article 14 de cette convention. Selon elle « les enfants légitimes nés d'un précédent mariage et les enfants naturels nés d'une précédente liaison se trouvant dans une situation comparable quant à l'atteinte susceptible d'être portée à leurs droits successoraux en cas de remariage de leur auteur sous le régime de la communauté universelle, la finalité de la protection assurée aux premiers, commande qu'elle soit étendue aux seconds au regard du principe de non-discrimination selon la naissance édicté par la Convention européenne des droits de l'homme" ».
Ainsi, il convient de voir tout d'abord l'étendue de l'action en retranchement aux enfants naturels (I), puis la critique du revirement (II).
[...] Cela compromet les dispositions de droit transitoire de la loi nouvelle qui n'ont pas de portée générale. En effet, la limite de l'absence de partage posée par cette loi est balayée par le revirement. Il est donc d'application plus large et plus dangereuse qu'elle. Certains expriment ce problème en disant que cette perspective paraîtra désastreuse pour le conjoint, effrayante pour le notaire, et bien suspecte pour les tiers éventuellement acquéreurs des biens attribués au conjoint (JCP, La semaine juridique notariale et immobilière, janvier 2003, page 19). [...]
[...] Le rôle de la Cour de cassation n'est en principe que de contrôler les décisions antérieures. La loi nouvelle n'est donc pas appliquée mais le fondement de l'article 1527, alinéa 2 du Code civil choisi par les juges amène à la même solution : étendre l'action en retranchement aux enfants naturels. B L'interprétation de l'ancien article 1527, alinéa 2 du Code civil au regard de la CEDH L'ancien article 1527, alinéa 2 du Code civil, issu de la loi du 3 janvier 1972 dispose qu'« au cas où il y aurait des enfants d'un précédent mariage, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1, au titre des donations entre vifs et des testaments sera sans effet pour tout l'excédent Autrement dit, en présence d'enfants d'un précédent mariage, les avantages matrimoniaux retirés d'une communauté conventionnelle qui excèderaient la quotité disponible seraient sans effet pour l'excédent. [...]
[...] C'est pour cela qu'a été instaurée l'action en retranchement. Celle-ci permet aux enfants non issus des deux époux de demander la réduction des avantages matrimoniaux accordés au conjoint afin de percevoir leur réserve. Mais tel n'a pas toujours été le cas. En effet, avant cette loi, seuls les enfants légitimes, c'est-à-dire nés d'un précédent mariage, pouvaient exercer cette action. La nouvelle loi ouvre donc l'action en retranchement à tous les enfants non issus des deux époux. C'est une conséquence logique du principe d'égalité des filiations. [...]
[...] Une évolution sur ce point a longtemps été voulue et a abouti notamment à l'arrêt à commenter de la première chambre civile de la Cour de cassation du 29 janvier 2002. En l'espèce, le 19 novembre 1983, Daniel Z a épousé madame Y sous le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution exclusive de la communauté au survivant. Il était précisé que cette clause valait qu'il existe des enfants ou non et que ses actions dans deux sociétés lui restaient propres. [...]
[...] En l'espèce, l'action en retranchement a seulement été étendue aux enfants naturels nés d'une précédente liaison Cette formule de la Cour suprême exclut donc du bénéfice de cette action les enfants adultérins et les enfants adoptés. Ainsi, seuls les enfants légitimes et les enfants naturels simples pourront bénéficier de la prescription trentenaire pour agir. De tels inconvénients font donc douter de l'opportunité d'un tel procédé jurisprudentiel qui consiste à réinterpréter la loi ancienne pour s'aligner sur la loi nouvelle. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture