« La Court of Appeal a déféré une série de questions qui contraignent la Cour à
s'attaquer à un problème à la fois très complexe juridiquement et très délicat sur le plan
sociopolitique. Parfois, des questions complexes appellent des réponses simples. Il n'en est rien
ici. »1 (M. Poiares Maduro, avocat général de l'affaire)
En l'espèce, une compagnie de ferry finlandaise voulait faire passer un de ses bateaux, le
Rosella, sous pavillon estonien afin de pouvoir embaucher un équipage au salaire estonien,
bénéficiant ainsi de coûts salariaux moindres.
La compagnie a informé de son projet l'équipage et le syndicat finlandais de marins auquel ses
membres sont rattachés (« FSU »). Le FSU a demandé à la fédération syndicale des transports
(« ITF ») d'inviter les autres syndicats affiliés à boycotter l'entreprise. Ainsi, la circulaire ITF les
enjoigne de s'abstenir de négocier avec Viking.
Quelques jours après, le FSU a annoncé une grève pour imposer à Viking l'augmentation du
nombre d'emplois à bord du Rosella et l'abandon de son projet.
Viking n'a cependant satisfait qu'à la première condition. Le FSU a riposté en demandant à ce que la
compagnie continue de respecter le droit finlandais et la convention collective qu'elle a appliqué
jusqu'alors en dépit d'un changement de pavillon. Le projet serait dès lors inutile dans la mesure où
la compagnie serait privée du droit de payer les marins estoniens employés à un salaire inférieur que
celui des finlandais.
Après moultes péripéties judiciaires et politiques, Viking saisit la Commercial Court de
Londres d'un recours visant à faire déclarer l'action d'ITF et de FSU contraire à l'article 43 du Traité
CE, à ordonner le retrait de la circulaire ITF et à enjoindre le FSU de ne pas entraver les droits dont
bénéficient Viking en application du droit communautaire.
Cette juridiction a fait droit à la demande de la compagnie requérante. Mais l'ITF et le FSU ont
interjeté appel devant la Court of Appeal qui a sursit à statuer, posant ainsi une importante série de
questions préjudicielles.
Comme le souligne M. Poiares Maduro, dans ses conclusions générales, ces questions doivent faire
l'objet d'un résumé par souci de concision. Se posent trois questions fondamentales :
➢ une action collective telle que celle du FSU entre-t-elle dans le champ d'application de
l'article 43 T.CE qui instaure le principe de la liberté d'établissment dans le marché intérieur
de la Communauté Européenne et de l'article 1er § 1 du règlement n°4055/86 du Conseil2 ?
[...] Poiares Maduro, présentées le 23 mai Cette directive applique le principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre Etats membres et entre Etats membres et pays tiers ces dispositions ont-elles un effet direct horizontal de manière à conférer des droits à une entreprise privée susceptibles d'être opposés à un syndicat en ce qui concerne une action collective qui serait menée par lui ? les actions visées en l'espèce constituent-elles des restrictions au sens de l'article 43 et dans le cas d'une réponse positive, ces restrictions sont-elles justifiées ? La CJCE a néanmoins circonscrit la demande préjudicielle dans la mesure où elle n'est pertinente qu'en ce qui concerne l'interprétation de l'article 433. [...]
[...] En effet, la Cour, appelée à fournir au juge national des réponses utiles, est compétente pour donner des indications ( . ) de nature à permettre à ce même juge de statuer dans le litige concret dont il est saisi (point 85). [...]
[...] A la question relative au point de savoir si une action collective comme celle en cause en l'espèce n'entre pas dans le champ d'application de l'article 43 T.CE (points 32 à la Cour répond par la négative. Elle entend donner à la liberté d'établissement une application large. Dans la même optique et à l'occasion de la seconde question préjudicielle (points 56 à elle reconnaît à l'article 43 un effet direct horizontal qui permet à des entreprises privées de l'invoquer non plus seulement à l'encontre d'organes étatiques mais aussi d'organismes privés tels que des syndicats. [...]
[...] Rien n'est moins sûr Il semble que la réponse à apporter à la question de l'équilibre entre deux principes fondamentaux et non absolus qui sont amenés à se contredire fréquemment peut être recherchée dans le rôle de la Cour. En effet, en plus de donner des interprétations et des appréciations sur la validité des dispositions communautaires dans le cadre du renvoi préjudiciel, celle-ci s'est octroyé, notamment en l'espèce, le rôle d'indicateur des juges nationaux amenés à trancher des litiges sur ce point là. [...]
[...] En ce qui concerne les autorités étatiques, ce sont les dispositions sur la libre circulation qui interviennent. Si les règles de la concurrence ont un effet horizontal, celles sur la libre circulation ont un effet vertical. Mais qu'en est-il s'il s'agit d'organismes tels des syndicats ? Les dispositions sur la libre circulation peuvent-elles avoir un effet horizontal ? La CJCE rappelle pour la seconde fois que les syndicats requérant en appel sont des organismes de droit privé qui exercent leur autonomie juridique notamment par le biais d'une action collective9. [...]
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