Selon Maurice Cauzian, « les dirigeants exercent des fonctions à risques dans un environnement juridique et économique hostile. L'âpreté de la compétition les conduit parfois à des comportements dépassant les limites de l'honnêteté. On conçoit dès lors que les actions en responsabilité civile soient monnaie courante. » La solution que la Cour nous apporte semble établir un semblant d'irresponsabilité au profit des dirigeants.
En l'espèce, le directeur général de la SA Semsamar, M. Fischer, avait signé au nom de celle-ci, un acte de cautionnement afin de garantir à la Sté Outinord Saint-Amand le paiement d'une commande destinée à un chantier dont la SA Semsamar avait la maîtrise d'ouvrage. Devant la défaillance de la société débitrice, la Sté Outinord s'est retournée contre la SA Semsamar. Or, sa demande en paiement fut rejetée car le cautionnement a été accordé par M. Fischer plus d'un an après l'autorisation du conseil d'administration et alors que cette autorisation n'avait pas été renouvelée.
La Sté Outinord a alors assigné M. Fischer en responsabilité. Mais la cour d'appel l'a déboutée de sa demande en estimant que la preuve de la faute personnelle du dirigeant n'était pas rapportée dans la mesure où la faute invoquée ici n'était pas détachable des fonctions du dirigeant.
L'arrêt rendu le par la Chambre commerciale de la Cour de cassation a trait aux conséquences découlant du non-respect de la procédure d'autorisation de l'article 98, alinéa 4, de la loi du 24 juillet 1966. Plus précisément, il est question ici des conditions de la mise en jeu de la responsabilité - à l'égard des tiers - du directeur général qui a ainsi outrepassé ses pouvoirs. En appréciant strictement la notion de « faute séparable des fonctions », la Cour de cassation semble mettre fin à l'espérance légitime des tiers de récupérer au débit du dirigeant ce qu'ils n'ont pu obtenir de la société.
Il nous faudra traiter dans un premier temps la subordination de la responsabilité du dirigeant à une faute séparable de ses fonctions (I), avant d'aborder, dans un second temps, l'impasse dans laquelle se retrouve le créancier suite à la décision de la Cour (II).
[...] Cette solution caractérise la faute séparable exclusivement par rapport aux fonctions dont la loi investit les dirigeants sociaux. L'usurpation par le directeur général des pouvoirs exclusivement réservés au conseil d'administration serait ainsi une faute détachable des fonctions du directeur général. Mais la Cour retient pas cette approche de la notion de faute séparable puisqu'elle refuse de reconnaître cette nature à la faute commise par le directeur général de la SA. En approuvant la position de la Cour d'Appel, qui retient que la faute n'est pas détachable des fonctions, car le cautionnement donné par M. [...]
[...] Mais la cour d'appel l'a déboutée de sa demande en estimant que la preuve de la faute personnelle du dirigeant n'était pas rapportée dans la mesure où la faute invoquée ici n'était pas détachable des fonctions du dirigeant. La Cour s'est ainsi demandé si la faute d'un dirigeant, qui prétend agir au nom d'une société, sans y avoir été autorisé préalablement, est étrangère à l'exercice de ses fonctions, et si cette faute est à même d'engager sa responsabilité personnelle. Par suite, le pourvoi formé par la Sté Outinord est rejeté par la Cour de cassation qui considère que la faute commise par le directeur général n'était pas séparable de ses fonctions. [...]
[...] Également, à partir du moment où il agit en dehors de ses attributions légales, en empiétant sur les compétences propres du conseil d'administration, seul organe habilité à autoriser la passation d'un tel acte, n'est-on pas en présence d'une faute séparable de ses fonctions légales ? Or, la faute de la nature de celles exigées par la loi de 1966 est en fait rarement dissociable de l'exercice même des fonctions de dirigeant, de sorte qu'elle constitue un manquement professionnel par essence Ainsi, la constatation d'une faute séparable des fonctions paraît être un exercice délicat, voire impossible, car la faute a toujours un lien avec le contrat passé dans le cadre de ces fonctions de direction. [...]
[...] Fischer, qui lui avait laissé croire qu'il disposait des pouvoirs pour donner un cautionnement au nom de la société Semsamar qu'il dirigeait, n'avait pas provoqué la faute à elle reprochée qui s'était en conséquence dispensée de vérifier les pouvoirs de M. Fischer En l'espèce, la Cour de cassation a considéré que la faute du directeur général n'était pas caractérisée au vu des critères précédemment énoncés. En outre, la possibilité pour le juge de procéder à un partage de responsabilité viendrait non seulement alléger la charge du dirigeant, mais permettrait également au tiers d'obtenir une réparation qu'il est en droit d'espérer. [...]
[...] En l'espèce, le contrat de cautionnement servait de garantie pour une livraison d'un sous-traitant et non de la SA elle-même et devait faire l'objet d'une autorisation préalable du conseil d'administration. Le directeur général avait reçu une autorisation du conseil général aux fins de donner cautions, avals, ou garanties, la SA considère cependant qu'elle n'était plus valable. Les articles précités précisent en effet que l'autorisation du conseil d'administration est soumise aux conditions déterminées par décret Ces modalités sont fixées dans le décret n°67-236 du 23 mars 1967, qui dispose dans l'alinéa 2 de son article 89 que la durée des autorisations ne peut être supérieure à un an, quelle que soit la durée des engagements cautionnés, avalisés ou garantis. [...]
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