Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par X... Jean-Michel, contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 24 septembre 2003, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 314-1 du Code pénal, 2,3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel X... coupable d'abus de confiance résultant de l'utilisation du personnel de l'association de La Roche à des fins personnelles ; "aux motifs que de nombreux travaux d'entretien, notamment d'espaces verts, étaient effectués par le personnel et par des pensionnaires de l'association, dans la propriété des époux X... ; que le préjudice social est évalué par l'expert qui prend en compte la période 1991/1996- à 214 500 francs ; "qu'un salarié à l'époque des faits, Hubert G..., a déclaré qu'un ou deux moniteurs, accompagnés de cinq ou six ouvriers handicapés, s'occupaient du terrain -et auraient même creusé la piscine- des époux X... à raison d'une journée par semaine à la belle saison, et ce, de 1987 à 1993, soit pendant 7 ans ; que Gérard H..., toujours employé par l'association de La Roche, a confirmé cette mise à disposition, l'évaluant à 7 jours par an durant deux ans, jusqu'à la séparation des époux X..., sachant que cette pratique existait avant qu'il prenne la responsabilité des espaces verts, en 1991 ; qu'il précisait que Jean-Michel X... assurait avoir l'autorisation du conseil d'administration" ; "qu'à cet égard, la présidente, Mme B..., a déclaré avoir été sollicitée à titre exceptionnel en 1992, et avoir donné son accord, également à titre exceptionnel, n'ayant jamais été tenue informée pour le reste" ; que "la Cour relève que les époux X... ont acheté leur propriété (un manoir et un hectare de terrain) pour 500 000 francs en 1978, cette propriété étant en vente, lors de l'instruction, 3 000 000 francs ;"que "Jean-Michel X... a reconnu les faits, mais s'est abrité derrière l'autorisation donnée, en 1988, par "frère I...", décédé cette année- là ; qu'à supposer vraie cette affirmation à présent invérifiable, et eu égard à l'autorisation exceptionnelle donnée par Mme B... en 1992, les faits ont été commis sans autorisation de 1989 à 1993 ; à l'exception de l'année 1992", "alors que le détournement constitutif de l'abus de confiance ne porte, aux termes de l'article 314-1 du Code pénal, que sur des fonds, valeurs ou biens quelconques et en aucun cas sur des services ; que la cour d'appel, qui a retenu que l'utilisation sans autorisation, du personnel de l'association par le prévenu était constitutive du délit d'abus de confiance, a nécessairement méconnu le champ d'application de la loi pénale et, partant, le principe de la légalité" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Michel X... est prévenu d'avoir détourné au préjudice de l'association "De La Roche" des fonds qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés, à charge de les rendre ou représenter ou d'en faire un usage déterminé, notamment, par l'utilisation de personnel à l'entretien de sa propriété pour un montant de 214 500 francs ;
Attendu que, pour le déclarer coupable d'abus de confiance, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que le fait, pour un directeur d'association, d'employer les salariés de celle-ci pendant leur temps de travail à des fins personnelles, s'analyse comme un détournement de fonds de l'association destinés à rémunérer des prestations ne devant être effectuées que dans son seul intérêt, les juges ont justifié leur décision.
[...] Par conséquent, dans cette affaire, la Cour de Cassation devait s'interroger sur la qualification qu'il était possible de donner à l'utilisation détournée du personnel d'une association. Plus précisément, là-haut juridiction devait se demander si l'utilisation de la force de travail de salariés pendant leur temps de travail à des fins privées pouvait s'analyser comme un détournement de nature à entraîner un délit d'abus de confiance. À cette question, la Cour de Cassation a répondu par l'affirmative en rendant un arrêt de cassation sans renvoi. [...]
[...] Il est connu de tous par sa fréquence, mais aussi a-t-on parfois tendance à l'assimiler à d'autres infractions. Le délit d'abus de confiance est défini par l'article 314-1 du code pénal. Il s'agit pour une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. La caractéristique essentielle de ce délit réside principalement dans la chose objet de la remise et objet du détournement. [...]
[...] En effet, ce dernier vise expressément le détournement de biens. Ainsi, en l'espèce, il s'agirait de se demander si la force de travail et si par conséquent les services peuvent être qualifiés de biens. En effet, si les services peuvent être assimilés à des biens, alors il est possible d'envisager la qualification d'abus de confiance à l'encontre d'un détournement de services. Si tel n'est pas le cas, la qualification d'abus de confiance n'est plus aussi facile à envisager. En l'espèce, il semble que la Cour de Cassation n'ait pas véritablement voulu répondre à cette question. [...]
[...] Ainsi, en l'espèce, le fait que les prestations aient été effectuées pendant le temps de travail est essentiel, car la Cour de cassation a ainsi pu établir même de manière indirecte le détournement des fonds de l'association. L'existence d'un cadre juridique entre l'association, le directeur et les salariés a été déterminante. La haute juridiction a pu garantir la sécurité juridique de l'association. - Publication : Bulletin criminel 2004 248 p - Le Dalloz, 2005-02-10, p. 411-415, observations Bertrand de LAMY - Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 2003-09-24 - Décision du Tribunal correctionnel de Toulouse de 2001 D.2002. [...]
[...] Elle a donc admis le détournement d'un bien incorporel. La remise du bien n'est plus dans ce cas uniquement matérielle mais aussi juridique, l'appropriation n'étant donc plus une condition. À ce titre, si la force de travail peut être qualifiée de bien incorporel, il aurait été logique que la Cour de Cassation, en l'espèce, admette qu'il y ait eu un détournement de la force de travail des salariés constitutif d'un abus de confiance. Il est difficile de comprendre pourquoi la Cour de cassation, en l'espèce, n'a pas sanctionné l'abus de confiance en ce sens. [...]
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