Les 19ème et 20ème siècles furent le théâtre de vifs débats touchant au point de savoir s'il fallait réprimer ou non de simples mises en danger. En réalité, le débat est plus ancien et remonte au 19ème siècle, époque où déjà la doctrine était divisée sur l'opportunité d'une telle répression. Ainsi aux pénalistes de la doctrine classique d'inspiration libérale qui s'opposaient à de telles incriminations, les partisans de la Défense sociale, doctrine plus progressiste, répondaient que la société devait se protéger contre les individus dangereux en sanctionnant les mises en danger avant que tout dommage ne se réalise. En 1943, Mr Donnedieu de Vabres s'inscrivait dans ce courant lorsqu'il écrivait que « le faux dont il n'est pas fait usage crée du seul fait de son existence un péril ».
Alors que l'ancien Code pénal ne réprimait pas les imprudences n'ayant entraîné aucun dommage, mis à part le cas de la législation routière qui sanctionnait des comportements dangereux tels les excès de vitesse ou les conduites en état alcoolique, les dernières décennies ont vu le débat s'accentuer. En effet, à une époque où les incivilités et les comportements hasardeux se multipliaient sur la route et dans les entreprises, le législateur a estimé nécessaire de renforcer l'arsenal législatif pour mieux lutter contre l'insécurité routière, les accidents du travail et de manière plus générale les comportements dangereux n'ayant entraîné aucun dommage. Mais là encore, l'appréhension par le nouveau Code pénal de tels comportements ne se fit pas sans débat. En effet, le parlement fut divisé quant à l'opportunité d'incriminer des comportements n'ayant entraîné aucun résultat dommageable. Ainsi, un député exposa que « cette incrimination est faite pour ne pas être appliquée parce que, manifestement, elle est inapplicable ». On dénonça également son caractère incertain, dans la mesure où en l'absence de tout dommage, le juge est obligé de spéculer sur la dangerosité du comportement. Passant outre l'absence de résultat dommageable, le législateur, soucieux d'endiguer les comportements inconscients, incrimina de telles attitudes.
Ainsi, le Code pénal de 1992, entré en vigueur en 1994, crée le délit de risque causé à autrui. Prévue à l'article 223-1, cette infraction consiste en « le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ». Ce texte permet donc de sanctionner la personne imprudente, en raison de la dangerosité de son comportement, indépendamment des suites de celui-ci. Il s'agit en cela d'une infraction obstacle. Ce nouveau texte permet ainsi de sanctionner lourdement les auteurs de simples contraventions dès lors qu'ils ont exposé la vie d'autrui à un grave danger, autrement dit les auteurs d'un « dommage virtuel ».
Cette infraction complète les atteintes non intentionnelles. Ainsi, ces dernières seront applicables lorsqu'un dommage est intervenu ; le délit de risque causé à autrui sera, lui, utilisé par les autorités répressives en cas d'absence de résultat malheureux. Le Code pénal de 1994 incrimine ainsi ce que le professeur Philippe CONTE nomme une « tentative d'homicide ou de blessures involontaires ».
Néanmoins, le principe de légalité criminelle nous ordonne de demeurer prudents quant aux éléments constitutifs de ce délit récemment créé, d'autant plus que la réalisation d'un dommage n'est pas nécessaire. Il ne faudrait pas faire de ce texte le moyen de sanctionner n'importe quel comportement dangereux, de juger toute personne à peine imprudente. Les éléments constitutifs du délit de risque causé à autrui doivent pour ce faire être précisés. La condition préalable consiste en l'existence d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement qui sera ensuite violée par l'agent. L'élément matériel ne pose, lui, pas de difficulté particulière ; il correspond à une violation de ce texte ayant engendré un risque particulièrement grave pour autrui. Néanmoins, l'élément moral de l'infraction semble autrement plus complexe à analyser, dans la mesure où tant les décisions jurisprudentielles que les auteurs s'opposent sur ce sujet.
Le délit de risque causé à autrui suppose-t-il une intention ? En somme, il conviendra de se demander s'il s'agit d'une infraction intentionnelle ou non-intentionnelle.
[...] Le caractère intentionnel du délit de risque causé à autrui Les 19ème et 20ème siècles furent le théâtre de vifs débats touchant au point de savoir s'il fallait réprimer ou non de simples mises en danger. En réalité, le débat est plus ancien et remonte au 19ème siècle, époque où déjà la doctrine était divisée sur l'opportunité d'une telle répression. Ainsi aux pénalistes de la doctrine classique d'inspiration libérale qui s'opposaient à de telles incriminations, les partisans de la Défense sociale, doctrine plus progressiste, répondaient que la société devait se protéger contre les individus dangereux en sanctionnant les mises en danger avant que tout dommage ne se réalise. [...]
[...] En somme, elle nécessite un alourdissement de la matérialité par rapport à une simple contravention à la norme de prudence, mais ne touchant pas l'élément moral, du moins pas postérieurement au comportement de base, elle demeure une infraction non- intentionnelle, ce que la législation postérieure va confirmer implicitement. B. La consécration législative du caractère non-intentionnel en dépit d'une jurisprudence hésitante. La distinction entre volonté et intention va être consacrée indirectement par la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour fait d'imprudence ou de négligence. Cette loi visait à mettre en place une appréciation in concreto dans le cadre de l'homicide non intentionnel. [...]
[...] Ainsi, le caractère intentionnel doit être exclu dès lors que la recherche du résultat n'est pas nécessaire à la caractérisation de l'infraction. Cependant si l'intention est clairement absente de ce délit, la volonté peut malgré tout y trouver sa place. En effet la volonté, si elle ne touche pas au résultat, concerne le comportement, la méconnaissance de la norme. C'est là l'intérêt de ce délit de risque causé à autrui : sanctionner la violation volontaire d'une obligation de prudence ou de sécurité, mais sans qu'aucun résultat dommageable ne soit souhaité. [...]
[...] Mais cette décision ne nous dit pas si l'intention est présente quant au résultat. En effet l'élément psychologique est tourné ici vers la méconnaissance délibérée d'un texte, mais non vers l'exposition d'autrui à un risque. Le texte incriminateur, qui doit, a-t-on besoin de le préciser, être interprété strictement, ne mentionne pas si oui ou non l'agent doit avoir eu l'intention d'exposer autrui à un risque. A partir de là, il convient de se demander si cette violation manifestement délibérée participe de l'intention ou d'une diversification des fautes. [...]
[...] Il convient enfin de constater la présence de certaines décisions inquiétantes, telle celle rendue le 10 août 1994 par le Tribunal de grande instance de St Etienne, selon laquelle l'exigence d'une violation manifestement délibérée traduit la méconnaissance intentionnelle de l'obligation de sécurité C'est faire là un grave contresens : certes, la violation doit être délibérée, ce qui imprime un caractère volontaire à l'infraction, mais l'intention n'est pas pour autant présente ; l'intention doit être analysée dans la recherche du résultat, c'est-à-dire du risque, non dans la psychologie du comportement, lequel est ici seulement empreint de volonté. Les nombreux arrêts qui déclarent intentionnel le délit de risque causé à autrui dénaturent l'infraction de risque causé à autrui, ils en nient l'originalité. [...]
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