A l'heure où le Portugal interroge par referendum le peuple sur l'opportunité d'une dépénalisation de l'avortement, la France semble loin de ces considérations. En effet, la femme maîtrise aujourd'hui la fécondité du couple puisqu'elle peut écarter l'éventualité même d'une maternité par le recours à un moyen contraceptif ou à l'avortement. Plus précisément, la femme bénéficie d'une possible interruption volontaire de grossesse (désignée par IVG). Or, IVG n'est pas le synonyme d'avortement. En effet, étymologiquement « avorter » découle du latin Ortare qui signifie « naître » précédé du préfixe privatif ab. Dès lors, l'avortement est la privation d'une naissance (L'étymologie est d'ailleurs perceptible avec l'adjectif « abortif », où l'on retrouve le " b ", qui a été remplacé par " v " dans les autres termes.). L'avortement désigne donc des situations diverses et variées : l'IVG certes, mais aussi les interruptions accidentelles (autrement désignées sous le terme de « fausse couche »), etc. On retient que l'avortement est l'expulsion prématurée, artificiellement provoquée, du produit de la conception. Il s'agit donc de mettre fin à la gestation de la femme. Le terme IVG apparaît donc restreindre le champ de l'étude. C'est pourquoi il convient de parler « d'avortement ».
Mais une deuxième difficulté apparaît aussitôt : le « produit de la conception » est bien sur l'embryon. Cependant les progrès de la science ont permis de distinguer les embryons in vivo des embryons in vitro. L'avortement peut-il s'appliquer au cas des embryons in vitro?
Le droit pénal distingue selon nous la conception in vivo de la conception in vitro. En effet, le livre V du Code traite spécifiquement des infractions en matière de santé publique, au rang desquelles existe une législation spécifique relative à l'embryon in vitro. Par ailleurs, si l'avortement est une « expulsion », elle ne peut évidemment pas concerner l'embryon in vitro qui n'est pas encore dans le sein de la mère. Ainsi, l'avortement est l'expulsion prématurée et non naturelle par un moyen quelconque de l'embryon in vivo.
[...] Pierrard M-j., obs. sur sous CA de Douai. 4ème Ch. corr. 3juin 1948, JCP 1949 II, 4831. [...]
[...] Ici, cet élément se retrouve dans la volonté de parvenir au résultat : l'interruption de grossesse. On soulignera qu'aucun moyen matériel n'est précisé : on peut en déduire que tout type de moyen est visé, qu'il soit physique ou chimique. Par ailleurs, l'interruption illégale n'est pas cantonnée à une époque particulière de la grossesse : dès lors, de la première à la dernière minute de grossesse, la qualification peut être retenue. On peut estimer que ce type de situation est cependant rare et que cela ne concerne que quelques cas isolés. [...]
[...] Les médecins, officiers de santé, sages-femmes, chirurgiens dentistes, pharmaciens ainsi que les étudiants en médecine, les étudiants ou employés en pharmacie, herboristes, bandagistes, marchands d'instruments de chirurgie, infirmiers, infirmières, masseurs, masseuses, qui auront indiqué, favorisé ou pratiqué les moyens de procurer l'avortement seront condamnés aux peines prévues aux paragraphes premier et second du présent article. La suspension pendant cinq ans au moins ou l'incapacité absolue de l'exercice de leur profession seront, en outre, prononcées contre les coupables. Circulaire du 14 mai 1993 présentant le nouveau Code pénal Rassat M.-L., Droit pénal spécial, Précis Dalloz, p Vigneau D., Observation sur le nouveau droit pénal de l'avortement in Mélanges Louis Boyer, PU sc. soc. Toulouse p Giudecelli A., Le droit pénal de la bioéthique LPA 14/12/94, p et s. Pradel J. [...]
[...] La loi a donc réduit les possibles répressions de ce délit. Mais l'on peut s'interroger sur la portée pratique de cette incrimination puisque depuis le début des années 1980, c'est-à-dire quasiment depuis la mise en application de ce délit, il n'y a pas eu de condamnation pénale pour ce chef d'accusation. Du délit de fourniture de moyen abortif. Le nouveau code pénal a supprimé le délit d'auto-avortement mais a incriminé l'acte consistant à fournir à une femme les moyens abortifs qu'elle pourrait utilisée afin de mettre elle-même fin à sa grossesse. [...]
[...] Mais, au final, l'incrimination ou non de l'avortement n'est que symbolique. Et si la femme est impunie dans ce cadre, celui qui lui a fourni les moyens matériels de s'auto-avortement est lui punissable, la fourniture de moyens étant incriminée, sans que la femme enceinte puisse être poursuivie au regard de la théorie de la complicité. Là encore, c'est la crainte de mauvaises conditions sanitaires qui a inspiré le législateur. On voit que plus qu'une simple liberté qui serait accordée à la femme, l'avortement devient un droit qui appartient à la femme seule et à elle seule. [...]
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