Comment deux lois tendant à instituer les mêmes principes d'égalité et de coparentalité dans la famille peuvent-elles emprunter des chemins aussi différents et conduire notre législation sur deux routes opposées ? D'un côté, la loi relative au nom de famille se veut un rééquilibrage des droits des parents à l'égard de la mère, en permettant à cette dernière de transmettre son nom à ses enfants, soit seul, soit couplé avec celui du père. De l'autre, la loi relative à l'autorité parentale se présente comme un rééquilibrage des droits des parents à l'égard des pères, par la réaffirmation et le renforcement de la coparentalité, ainsi que par l'édiction de mesures propres à en assurer une mise en oeuvre plus effective. Egalité et coparentalité, donc : deux textes, un même combat. Mais, tandis que le premier se place sous la bannière des droits subjectifs individualistes, inscrivant le droit à la transmission du nom comme un « droit au nom », manifestation des revendications personnelles de chacun des parents, le second semble renforcer la figure traditionnelle de l'autorité parentale, celle d'un droit-fonction centré non tant sur les droits de ses titulaires que sur son bénéficiaire, l'enfant. De ses deux figures se dégage, en conséquence, le constat d'un nouveau choc des modèles en droit de la famille qui ne peut qu'en appeler à une comparaison.
[...] les débats entre la Commission des lois du Sénat prônant le retour, dans ce cas, au nom du père et Mme La Garde des Sceaux, critiquant vigoureusement cette solution parce qu'il suffirait au père de s'opposer à tout autre choix pour imposer le patronyme. Elle proposait en conséquence le double nom dans l'ordre père-mère, avec transmission des premiers noms portés par chacun, JO Sénat févr. 2002) ? Nonobstant ces incomplétudes, les orientations de la loi nouvelle sont claires (on laissera de côté les raisons avancées, et controversées, de l'appauvrissement du capital onomastique). [...]
[...] Enfin, ce droit renvoie à une conception négociée des droits et de l'identité, qui prône le dialogue et la transaction relativement au choix des caractères identitaires. A terme, cette réforme pourrait même apparaître comme un nouveau pas vers la construction de la filiation, le choix du nom de l'enfant reflétant déjà le jeu des désirs individuels des parents et des représentations de chacun en la matière. Or, lorsqu'il faudra tirer toutes les conséquences de ce positionnement, verra-t-on peut-être émerger les lacunes du dispositif. [...]
[...] En témoigne la bilatéralisation de l'exigence de respect dû par l'enfant à son parent, qui s'adjoint celle du respect dû par les parents à la personne de leur l'enfant, En témoigne également l'obligation d'associer ce dernier aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité (art. 371-1 al. 3). L'ensemble de ces dispositions achèverait ainsi le mouvement de démocratisation de la famille et marquerait la distance définitivement prise avec l'idée traditionnelle de puissance paternelle. Mais alors, et en second lieu, le renforcement de ce modèle du droit- fonction impliquerait, pour ses titulaires, des conséquences bien différentes de celles qu'induit le choix du modèle du droit subjectif. Tout d'abord, les détenteurs de l'autorité doivent se mettent au service de celle-ci. [...]
[...] Or, le choix de l'un ou de l'autre est loin d'être anodin : il conditionne, notamment, le contrôle de la mise en oeuvre de ces droits. De ce choix, découlent l'existence d'un critère et les modes de règlement des conflits susceptibles d'apparaître lors de leur exercice. Or, à cet égard, force est de constater qu'aucun des modèles proposés, celui du droit subjectif, socle du droit au nom comme celui du droit- fonction, assise de l'autorité parentale, ne parvient à pacifier leur difficile mise en oeuvre au sein du groupe familial. [...]
[...] Il est vrai néanmoins que les tendances pourraient s'inverser en raison de l'aspiration accrue à l'égalité, de l'instabilité conjugale et du développement du concubinage, tous facteurs poussant chaque membre de la famille à conserver son nom dans une conception de l'unité de la famille étroite (qui) ne se manifeste ( . ) plus guère par l'unité de nom Mais, surtout, le choix d'une solution supplétive entérinant l'habitude, celle du nom du père en l'absence de choix par les parents, est propre à favoriser le statu quo. [...]
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