Autonomie accrue, majeur protégé, Code civil, protection juridique des majeurs, autonomie de la personne, autonomie débattue
La recherche d'une autonomie accrue caractérise à coup sûr l'évolution du droit des majeurs protégés, comme en témoignent les jalons législatifs de 1968 et 2007. En effet, l'architecture issue de la loi du 3 janvier 1968, qui doit beaucoup au doyen Carbonnier, a eu le mérite de rompre la relation de causalité entre les modalités du traitement médical et celles de la protection des intérêts civils (article 490-1, al. 1er et 2 du Code civil). Désormais, la distinction est nette entre ce qui relève des unes (codifiées dans le code de la santé publique : article L. 326 et s.) et des autres (régies par le Code civil : articles 490 et s.), même si, rationnellement, les deux corps de règles ont des correspondances (article 491-1, al. 1er). On peut aussi mettre au crédit du législateur de 1968 l'édiction d'une réglementation applicable indépendamment de l'existence d'un régime de protection organisée (articles 489 et 489-2). En effet, il serait illusoire de croire que toute personne, dont l'état appelle la sauvegarde de ses intérêts civils, serait nécessairement soumise à un régime de protection, aussi complète d'ailleurs que soit la palette des régimes mise en place par la loi du 3 janvier 1968. Diversité et plasticité caractérisent en effet ces régimes.
[...] Enfin, l'autonomie est altérée pour les actes les plus graves et en cas de danger. En effet, l'article 459, al du code civil, exige, sauf urgence, l'autorisation du juge, pour prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée . Le texte est très imprécis sur le domaine de l'autorisation judiciaire. En effet, en principe, en vertu de l'article 459, al du Code civil, le tuteur ne peut décider que s'il a reçu un pouvoir de représentation du juge des tutelles ou du conseil de famille et uniquement lorsque l'état de la personne ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée Ce qui signifierait que le représentant aurait l'obligation d'obtenir l'autorisation du juge des tutelles pour les actes les plus graves seulement lorsqu'il a reçu ce pouvoir de représentation, sauf en cas d'urgence comme en matière médicale. [...]
[...] Quelle autonomie pour le majeur protégé ? Élaborée comme propriété psychologique dans le concept kantien d'« autonomie de la volonté l'autonomie s'est connotée positivement pour devenir un outil pour de nombreuses luttes d'émancipation politiques. La reprise de cette notion avec sa symbolique émancipatrice, dans un cadre individuel, interroge les sciences sociales en général et le droit en particulier. Dans quelle mesure les capacités réflexives de l'individu moderne lui permettant de projeter, de contractualiser, et de s'émanciper de multiples formes de dépendance sont-elles effectives s'agissant d'un majeur protégé ? [...]
[...] Cela n'épuise pas toutefois la question de l'effectivité de la protection du corps du majeur protégé. Le corps du majeur protégé L'autonomie du majeur paraît parfois dangereuse lorsque l'on considère la protection de son corps. Elle est posée par principe pour les actes strictement personnels sans que la notion en soit définie, ce qui laissera donc place aux interprétations divergentes des juges, en attendant une construction jurisprudentielle solide. Ce manque de cohérence entre les textes ne simplifie pas la tâche de la pratique et sera source de contentieux. [...]
[...] L'interruption volontaire de grossesse d'une majeure protégée en est une illustration. En l'absence de disposition spécifique dans le code de santé publique, doit-on se contenter d'appliquer l'article L. 1111- 4 du CSP, ou privilégier le nouveau droit commun, auquel cas, l'autorisation du juge des tutelles sera nécessaire si on considère que cet acte porte gravement atteinte à l'intégrité physique de la femme. Le tuteur peut cependant s'en dispenser en invoquant l'urgence. Mais dans tous les cas, la volonté de la majeure suffisamment lucide doit prévaloir. [...]
[...] Cependant, cette autonomie accrue suscite immanquablement débats et interrogations. D'abord, les contours de la protection font problème tant le mot protection est susceptible d'acceptions multiples : de la protection contre le surendettement à la protection du risque social en passant par la protection contre les maladies, les déclinaisons sont nombreuses. Toute la question est de savoir ce qui relève de la protection contre les atteintes des autres et de la protection contre les atteintes qu'on s'inflige à soi-même, mais aussi de déterminer la source de la protection (la loi, le juge, la famille, les établissements de santé Ensuite, la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs enjoint aux tuteurs et curateurs d'adopter une posture inconfortable alliant protection de la personne vulnérable et respect de ses libertés. [...]
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