Dans le premier arrêt, un litige opposait deux frères, héritiers de leur père. L'un d'eux, se prétendant titulaire d'une créance de salaire différé pour avoir travaillé sans rémunération au service du défunt, avait assigné son frère en paiement d'une somme d'argent. Mais il avait été débouté par une décision passée en force de chose jugée, au motif que l'activité professionnelle litigieuse n'avait pas été exercée au sein d'une exploitation agricole.
Le demandeur avait donc formé contre son frère une nouvelle demande dont l'objet était identique, mais en la fondant cette fois sur l'enrichissement sans cause. Ainsi, il fallait déterminer si la chose jugée par la décision de débouté faisait obstacle à cette nouvelle demande.
Dans la deuxième espèce, l'acquéreur d'un véhicule d'occasion avait assigné son vendeur en réclamant le coût d'une remise en état du véhicule, la réduction du prix de vente et des dommages-intérêts. En première instance, il avait été débouté de sa demande. Il avait donc interjeté appel et s'était prévalu de la garantie contractuelle et de l'existence d'un vice caché. La Cour d'appel avait débouté l'acquéreur. Ce dernier avait donc formé un pourvoi en cassation reprochant à l'arrêt d'appel de ne pas avoir légalement justifié sa décision au regard des articles 12, 1603 et 1604 du Code de Procédure Civile en ne recherchant pas si les doléances de l'acheteur, qui soutenait que le véhicule était censé être en parfait état lors de la vente, ne devaient pas s'analyser en un défaut de conformité, le vendeur ayant manqué à son obligation de délivrer le véhicule d'occasion en excellent état.
De quelle façon ces deux arrêts de l'assemblée plénière de la Cour de cassation marquent-ils une profonde mutation des rôles des acteurs du procès ?
[...] En effet, dans un souci de célérité de la justice et de bon déroulement des instances juridictionnelles, elle a redéfini les rôles des acteurs du procès civil. Il faut remarquer que les réformes récentes tendent à accroitre le rôle du juge dans le déroulement de l'instance. Cependant, les arrêts en date du 7 juillet 2006 et du 21 décembre 2007 rompent avec cette idée. Ils rétrécissent le domaine d'intervention du juge et de l'autorité de son jugement puisqu'ils ne lui accordent qu'une simple faculté dans sa fonction de relever d'office les moyens de droit. [...]
[...] La règle posée dans l''arrêt du 7 juillet 2006 pourrait entrer en conflit avec l'article de la Convention européenne dans la mesure où il y aurait un conflit entre sécurité et accès à la justice. Cependant, dans la mesure où l'accès à la justice peut être limité par les Etats eux-mêmes lorsque la mesure est nécessaire et proportionnée aux objectifs légitimes poursuivis, la non-conformité de l'arrêt avec la Convention ne parait que subsidiaire. En effet, loin d'être absolu, le droit d'accès au juge au sens de l'article 6 de la Convention européenne peut s'accommoder de limitations dès lors que celles-ci sont proportionnées au but légitime qu'elles poursuivent. [...]
[...] Il est donc nécessaire que s'établisse une véritable collaboration entre les acteurs du procès civil. Finalement, la solution de l'arrêt rendu le 7 juillet 2006 s'inscrit parfaitement dans la tendance de la procédure civile contemporaine qui vise à promouvoir une certaine loyauté des parties dans l'exercice de leur droit d'action, en même temps que l'exigence d'efficience procédurale, garante d'une meilleure administration de la justice. Cependant, ces décisions impliquent certaines conséquences sur le long terme qui risquent de contrarier les principes directeurs du procès civil en particulier les principes énoncés au sein de l'article de la Convention européenne des droits de l'homme. [...]
[...] En effet, dans une première hypothèse, il doit y avoir une dissociation entre la qualification et le relevé d'office du moyen. Dans un premier temps, le juge doit requalifier juridiquement les faits, puis, dans un deuxième temps, le juge a une simple faculté de soulever un moyen. Dans une autre hypothèse, si le juge est obligé de requalifier correctement les faits il n'a pas l'obligation d'examiner les faits. Par conséquent, quand les parties ont proposé une qualification qui est exacte, mais qui n'est pas la meilleure, le juge a une simple faculté de requalifier les faits. [...]
[...] Cette idée est reprise par l'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 25 octobre 2007. Cette solution est innovante, car dans d'autres arrêts, la Cour de cassation avait jugé qu'en présence d'identité des parties et d'objet alors même que la cause était différente, l'article 1351 du Code civil devait conduire à penser que la seconde demande était recevable. Dans un arrêt du 3 juin 2004 et dans un arrêt du 24 mai 2006, la deuxième chambre civile et la chambre sociale avaient rendu leur décision dans ce sens. [...]
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