Déjà en 1968 le législateur avait tenu, à juste titre, à ce que le corps médical soit étroitement associé à l'application de la loi visant à protéger les majeurs. La loi du 5 mars 2007 maintient cette idée d'une collaboration entre la médecine et le monde judiciaire pour une application adéquate et efficace du texte.
Si certains aspects ont été profondément rénovés, voire modifiés, ceux qui concernent les caractéristiques médicales des patients pouvant bénéficier de la loi restent à peu de chose près identiques.
Le principe général est d'appliquer une mesure de protection en cas de constatation d'une altération des facultés mentales ou corporelles. À l'évidence cette altération ne sera correctement évaluée que par un professionnel ayant l'habitude des pathologies somatiques ou mentales. Dans la mesure où la deuxième condition cumulative qui autorise la mise en place d'une mesure de protection est constituée par le lien entre cette altération et un empêchement à pourvoir seul à ses intérêts ainsi qu'une entrave à l'expression de la volonté, cela suppose une analyse des pathologies qui peuvent avoir des conséquences sur la capacité à s'exprimer, à vouloir, mais aussi tout simplement à savoir reconnaître son propre intérêt. En d'autres termes, le législateur reconnaît que certaines maladies peuvent amoindrir le sujet dans sa vie personnelle et sociale. Il convient bien évidemment de ne pas poser comme une équation que l'existence d'une maladie empêche l'expression de la volonté ou interdit de pourvoir seul à ses intérêts, mais il faut savoir reconnaître les pathologies qui peuvent avoir une telle incidence. La loi distingue deux catégories de médecins dont l'opinion permettra d'asseoir la décision des juges. Ce sont d'une part, et de manière naturelle, les médecins traitants qui ont l'avantage de bien connaître les patients, parfois depuis de très longues années, ainsi d'ailleurs que leur entourage et leurs conditions de vie, et de l'autre les médecins dits spécialistes dont le rôle était prévu à l'article 493-1 du Code civil et l'est maintenant à l'article 431. Cette deuxième catégorie de médecins sélectionnés par le monde judiciaire sur sa compétence, puisque devant être inscrits sur une liste que le procureur de la République a la charge d'établir, ont la nécessité de mieux connaître la loi que leurs confrères et de savoir évaluer ce que l'altération constatée des facultés mentales ou corporelles peut avoir comme conséquence dans la vie civile. En contrepartie, il est loin d'être inutile que les professionnels du droit et notamment les juges des tutelles aient des notions simples mais actualisées des pathologies susceptibles d'être rencontrées dans leur pratique, aussi bien sur le plan nosographique qu'épidémiologique (1).
Il est également utile que les magistrats sachent, même si leurs décisions n'ont pas lieu de prendre en compte les particularités de la pratique de la médecine, quelles conséquences elles peuvent avoir dans les soins et le fonctionnement général des relations des patients avec les tiers et notamment avec les soignants (2).
Il est encore utile de comprendre que l'application de la loi, justement à cause de son aspect protecteur, a une incidence sur les soins du patient. En d'autres termes, elle peut être thérapeutique. Elle peut participer à l'évolution du malade. À l'inverse on peut imaginer qu'elle soit anti-thérapeutique et qu'elle gène, voire fige cette évolution (3).
Pour être complet sur ces aspects médicaux de l'application de la loi, il ne sera pas inutile enfin d'envisager le type de relations qui peut s'instaurer entre les médecins et les magistrats (4).
[...] C'est encore aussi parfois le cas pour certains parents de jeunes psychotiques. La pratique quotidienne d'un juge des tutelles lui montre à quel point la population protégée est hétérogène. Pour une partie d'entre elles (insuffisance intellectuelle ou détérioration liée à l'âge), les possibilités d'évolution favorable sont minimes ou quasi nulles. La mesure vise avant tout et exclusivement une protection de la personne et de son patrimoine permettant le respect des règles de notre fonctionnement social. En revanche, pour ce qui est des malades mentaux souffrant non pas d'un handicap fixé comme la population précédemment décrite, mais d'une maladie potentiellement évolutive, la mesure de protection prend une autre dimension. [...]
[...] Pour ce qui est de la dépression, il convient de comprendre qu'à côté des aspects liés à la tristesse, voire au désir de mort qui sont fréquemment associés à ce diagnostic par le grand public, existent des éléments de repli, de désintérêt ou encore des troubles de la concentration ayant une incidence majeure sur l'expression de la volonté et la capacité à analyser une situation. C'est ce qui peut parfois justifier la mise en place d'une mesure de protection durable. Il est toujours très difficile d'expliquer la psychose à un non professionnel de la psychiatrie. Il n'existe actuellement aucune définition qui ne soit réellement heuristique. [...]
[...] Il est alors important de réfléchir sur l'utilité ou le danger de confier la mesure de protection à un proche avec le risque de ruiner la relation du sujet avec ceux qui sont ses aidants naturels. Parfois il est préférable de confier les questions patrimoniales à un tiers pour laisser les relations personnelles en dehors des conflits inhérents à tout ce qui peut toucher le patrimoine. On pourrait ainsi multiplier les exemples et l'on se rend compte à quel point l'application de la loi peut avoir des conséquences sur les soins mais aussi sur le simple fonctionnement psychologique du sujet. [...]
[...] Haut du formulaire Les aspects médicaux de la protection des majeurs Déjà en 1968 le législateur avait tenu, à juste titre, à ce que le corps médical soit étroitement associé à l'application de la loi visant à protéger les majeurs. La loi du 5 mars 2007 maintient cette idée d'une collaboration entre la médecine et le monde judiciaire pour une application adéquate et efficace du texte. Si certains aspects ont été profondément rénovés, voire modifiés, ceux qui concernent les caractéristiques médicales des patients pouvant bénéficier de la loi restent à peu de chose près identiques. [...]
[...] En contrepartie, il est loin d'être inutile que les professionnels du droit et notamment les juges des tutelles aient des notions simples mais actualisées des pathologies susceptibles d'être rencontrées dans leur pratique, aussi bien sur le plan nosographique qu'épidémiologique Il est également utile que les magistrats sachent, même si leurs décisions n'ont pas lieu de prendre en compte les particularités de la pratique de la médecine, quelles conséquences elles peuvent avoir dans les soins et le fonctionnement général des relations des patients avec les tiers et notamment avec les soignants Il est encore utile de comprendre que l'application de la loi, justement à cause de son aspect protecteur, a une incidence sur les soins du patient. En d'autres termes, elle peut être thérapeutique. Elle peut participer à l'évolution du malade. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture