« Engage-toi et supporte », affirmait Régis Debray dans sa Critique de la raison politique. Bien que ce principe soit Roi en droit des contrats, le pacte de préférence lui a longtemps fait plus ou moins figure d'exception.
Toutefois, la Cour de cassation, en choisissant de sanctionner plus sévèrement le non-respect de ce pacte, semble vouloir rétablir l'équilibre de l'engagement et du respect de la parole donnée au niveau de ce type de pacte, comme peuvent en attester les arrêts des 26 mai 2006 et 14 février 2007 (...)
[...] La Cour de cassation, après avoir rappelé les conditions d'annulation de la convention et de la substitution posées par l'arrêt du 26 mai 2006, rejette le pourvoi et accorde l'annulation de la convention et la substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers acquéreur (alors même que celui-ci n'avait sollicité que l'annulation), aux motifs que le pacte de préférence consenti par la bailleresse au pharmacien avait été transféré à la SELARL, bénéficiaire de la cession de bail, auquel était intervenue la bailleresse qui avait agréé la substitution de la SELARL au preneur et que la Cour d'appel avait souverainement retenu que la SCI avait nécessairement eu connaissance de l'existence du pacte de préférence, dans la mesure où un exemplaire du contrat de bail avait été remis au gérant de la SCI, que le rapport d'expertise produit aux débats par celle-ci mentionnait l'existence d'un pacte de préférence au profit du preneur et que, selon l'acte de vente notarié, il avait eu connaissance du litige judiciaire qui opposait l'héritière de la bailleresse à la SELARL dont le représentant légal avait, au cours de la procédure, exprimé la volonté d'acquérir l'immeuble, établissant par là l'intention du bénéficiaire se prévaloir de son droit. On peut dès lors s'interroger sur les implications juridiques concrètes de ces deux arrêts de Cassation au niveau de la mise en jeu de la responsabilité en cas de non-respect du pacte de préférence. Avec ces récents revirements jurisprudentiels, la violation du pacte de préférence semble aujourd'hui théoriquement sanctionnable (I.). Les dommages et intérêts, clairement inadaptés à ce type de cas, ne sont plus les seuls procédés permettant de condamner cette violation. [...]
[...] Une condamnation visant à obliger le débiteur du pacte à tenir ses engagements Une condamnation sous réserve de preuves à fournir de la part du bénéficiaire Ainsi, ces deux arrêts consacrent l'efficience de la sanction de la violation du pacte de préférence. Malgré tout, il apparaît que cette consécration n'est qu'empirique. En effet, la force contraignante du pacte de préférence est en grande partie limitée pour ne pas venir empiéter sur le principe de liberté des pourparlers contractuels, la substitution se veut donc être une situation exceptionnelle. Aussi, la reconnaissance de la sanction en nature du pacte de préférence a plus une visée incitative que réellement punitive. [...]
[...] Faute de preuves établissant une éventuelle collusion frauduleuse, la Cour d'Appel rejette cette demande. La Cour de Cassation lui donne certes raison sur ce point, mais indique pour la première fois la possibilité de substitution du bénéficiaire d'un pacte de préférence dans les droits d'un tiers acquéreur, à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir Malgré l'avancée que marque la reconnaissance par la Cour de Cassation de l'exécution en nature du pacte de préférence, les motivations de cet arrêt du 26 mai 2006 n'ont pas emporté l'adhésion générale de la doctrine, qui a majoritairement regretté le maintien des conditions de l'annulation, rendant selon eux cette substitution largement illusoire. [...]
[...] En revanche, le bénéficiaire d'un pacte de préférence n'est pas tenu d'accepter cette offre et peut ainsi la refuser. La sanction de la violation du pacte de préférence a toujours été plus ou moins négligée, faisant de lui l'une des figures les moins contraignantes du droit des obligations. Depuis un arrêt du 4 mai 1957, la jurisprudence dominante s'était toujours bornée à attribuer au bénéficiaire lésé des dommages et intérêts, sans jamais reconnaître la possibilité pour celui-ci de se substituer au tiers acquéreur. [...]
[...] Le pacte de préférence : un non-respect théoriquement sanctionnable Les arrêts du 26 mai 2006 et du 14 février 2007 consacrent bel et bien un revirement de jurisprudence important dans l'histoire du pacte de préférence, en reconnaissant pour la première fois une possibilité de substitution du bénéficiaire lésé du pacte au tiers avec qui le contrat est finalement ratifié (I.A). Cette reconnaissance tardive participe à la consécration implicite du caractère obligatoire du pacte de préférence, et de l'affirmation du principe contractuel que tout engagement se doit d'être respecté (I.B). [...]
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