En l'espèce, les deux parties au procès étaient deux collègues de travail et amis qui avaient l'habitude de jouer au Quinté +. Le demandeur au pourvoi avait coutume de confier à son collègue la tâche de valider ses tickets, ses horaires de travail ne lui permettant pas de le faire lui-même. En remerciement de ces services rendus, le demandeur au pourvoi avait déclaré qu'il lui donnerait 10% de ses gains éventuels. Cependant, un jour, rencontrant un problème pour valider un ticket, son ami prit l'initiative d'en remplir un nouveau (...)
[...] C'est par ce mécanisme très novateur que la Cour de cassation a justifié la transformation de l'obligation naturelle du gagnant en obligation civile. Car si jusqu'alors son engagement à récompenser son collègue relevait de la simple obligation naturelle, les juges ont retenu que dès lors qu'il avait réitéré ses propos après avoir remporté la cagnotte, son obligation était devenue une obligation civile, par le seul fait de sa volonté. Il est donc reconnu comme étant débiteur de son collègue qui peut donc exiger de plein droit le paiement de la somme promise. [...]
[...] Selon l'article 1271 du code civil, elle a lieu, soit par suite du changement de dette entre les mêmes contractants, la nouvelle dette se substituant à l'ancienne ; soit lorsqu'un nouveau créancier substitue l'ancien ; soit lorsqu'un nouveau débiteur substitue l'ancien. C'est ce mécanisme de la novation que la Cour d'appel a retenu pour requalifier l'obligation naturelle du collègue gagnant envers son ami en obligation civile. Elle n'a, par cette décision, fait qu'appliquer la jurisprudence antérieure, illustrée notamment par l'arrêt du 16 juillet 1987 rendu par la 1ère chambre civile de la cour de cassation. En effet, jusqu'au présent arrêt, le mécanisme utilisé pour expliquer la transformation d'une obligation naturelle en une obligation civile était la novation. [...]
[...] La notion juridique d'obligation naturelle est donc placée en dehors de toute règle positive et de toute sanction matérielle, ce qui l'oppose à l'obligation civile. En l'espèce, l'obligation naturelle découlait non pas d'une obligation civile dégénérée, mais d'une obligation morale En effet, en promettant à son ami de lui verser 10% de son gain éventuel, le gagnant s'est lié à lui par une obligation morale, qu'il était tenu d'honorer en raison d'un devoir de conscience et de reconnaissance. Or l'ami prétendument lésé demande la requalification de cette obligation naturelle en obligation civile. [...]
[...] Le cas échéant, le juge n'hésite pas à transformer les engagements pris sur l'honneur en parfaits engagements juridiques, en ignorant parfaitement la dimension purement morale que le débiteur voulait donner au lien qui l'unit au créancier. Cette position est illustrée notamment par l'arrêt rendu le 10 janvier 1972 par la chambre commerciale de la Cour de cassation. On peut donc concevoir que certains accords qui n'emportent pourtant pas la qualification d'actes juridiques, puissent produire des effets de droit et ce, malgré la volonté des individus. [...]
[...] C'est pourquoi dans cet arrêt du 10 juillet 1995, la Cour de cassation a décidé de rejeter le pourvoi tout en substituant les motifs de la Cour d'appel de Metz et ainsi de revenir sur sa jurisprudence en introduisant la notion d'engagement unilatéral de volonté. Cet arrêt est donc un arrêt de revirement. II. L'AVENEMENT de l'engagement unilatéral de volonté. Nous étudierons tout d'abord comment la volonté d'une personne seule peut être à l'origine d'une obligation Puis nous verrons comment cette construction jurisprudentielle réintroduit une certaine idée de la morale dans le droit A. [...]
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