On connaît les controverses et les tiraillements auxquels donne lieu la notion de cause appliquée au prêt et à l'obligation de l'emprunteur. A s'en tenir à la conception objective, la cause de l'obligation de ce dernier réside dans la remise des fonds. La conception subjective de la cause conduit, en revanche, à voir dans l'opération financée la cause de l'emprunt. C'est parce que ce choix dans l'appréciation de la cause n'est pas sans conséquences que les parties se sont retrouvées face aux sages du boulevard du Palais.
En l'espèce, un prêt a été accordé par une banque à un chirurgien-dentiste pour financer « la cession de partie de clientèle de cabinet dentaire ». Mais le contrat principal a ensuite été annulé pour objet illicite. Dans la lancée, les juges du fond (Bordeaux, 1re ch. 23 mars 1994) ont également annulé le contrat de prêt. Ces derniers faisant une juste application de la sanction retenue (la nullité) ont condamné l'emprunteur à rembourser uniquement le montant du principal prêté (...)
[...] Pour mieux comprendre le choix de la première chambre civile attardons nous sur ses enjeux Les enjeux d'un choix difficile à appréhender Dans la conception objective, la cause de l'obligation de M. Denoyelle réside dans la remise des fonds. De sorte que l'illicéité de l'opération entre les deux chirurgiens-dentistes est sans incidence dans les rapports entre le prêteur et l'emprunteur. Dans la conception subjective de la cause, en revanche, l'opération financée est la cause de l'emprunt contracté par M. Denoyelle, emprunt qui se trouve ainsi être contaminé par l'illicéité qui entache le contrat principal. [...]
[...] Critique : Les juges du fond ne sont pas liés par la qualification du contrat retenue par les parties. Or la règle qui interdit la cession d'une clientèle civile est contournée sur une vaste échelle par bien des subterfuges. De sorte que la validité de la convention par laquelle le membre d'une profession libérale monnaye son départ au profit d'un successeur dépend en grande partie de l'habileté du rédacteur de l'acte (contrat de présentation de clientèle arrêt du 7 novembre 2000) Restait à tirer les conséquences de cette qualification. [...]
[...] Dans la foulée, la Cour de cassation retient l'annulation pour cause illicite de l'emprunt fait par le cessionnaire. Se pose alors la question de savoir quelle était la cause du contrat de prêt ? - La remise des fonds, dans la conception classique ; Ou la convention de cession de clientèle selon la conception moderne II. Une approche élargie de la cause, la cause du contrat Parce que l'une et l'autre de ces notions n'emportent pas les mêmes effets la notion de cause est le centre de débats doctrinaux et jurisprudentiels qui trouvent ici un élément de réponse A. [...]
[...] La nullité du prêt ayant pour effet de remettre les parties dans l'état antérieur, la cour d'appel a alors exactement jugé que la banque était seulement fondée à obtenir le remboursement de la somme correspondant au principal Les conséquences de cette interprétation : le risque d'une raréfaction des concours bancaires A travers cet arrêt très explicite, se conforte incontestablement la dimension économique de la cause, et à travers elle, la sécurité des opérations contractuelles se trouve naturellement fragilisée. La 1ère chambre civile assigne aux banquiers une tâche aussi lourde que délicate en les contraignant à apprécier la validité des actes de cession des clientèles civiles. Elle fait naître ainsi le risque d'une raréfaction des concours bancaires dans ce domaine ou celui de l'octroi de concours plus onéreux. Les banques étant naturellement amenées à faire payer le prix d'un travail plus important et celui du risque d'annulation. [...]
[...] Retenir la notion de cause subjective emporte également des effets potentiels sur les opérations contractuelles à venir Les conséquences de cette interprétation : la nullité du contrat de prêt souscrit par le cessionnaire En effet, dans cette conception la convention de cession de clientèle constituait la cause du contrat de prêt. Le contrat principal étant nul et de nul effet, le contrat de prêt se trouvait dépourvu de cause. La cause étant une des quatre conditions essentielles énoncées par l'article 1108 C. civ, c'est logiquement que son absence est sanctionnée par la nullité du contrat. [...]
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