La question de l'exploitation de l'image d'un bien par autrui a fait couler beaucoup d'encre. En l'espèce, la Cour de cassation qui, en 1999 par l'arrêt Gondrée reconnaissait que l'exploitation sous forme de photographie portait atteinte au droit de jouissance du propriétaire, a entamé un revirement de jurisprudence stupéfiant en affirmant le 7 mai 2004, sous sa forme la plus solennelle, que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci mais il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal (...)
[...] Inadéquate, cette affirmation selon laquelle le propriétaire peut seulement s'opposer à l'utilisation de l'image de sa chose par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal est mal fondée. Elle méconnaît radicalement le droit de propriété en ce qu'elle refuse de voir et de sanctionner l'atteinte manifeste au droit de jouissance que constitue, en soi, le détournement par un tiers à son profit d'une portion de l'utilité économique de la chose d'autrui. Quand la jurisprudence montre tant de zèle pour la sauvegarde de la propriété privée, il est surprenant qu'elle ne s'attache pas ici à une spoliation caractérisée. [...]
[...] Le caractère exclusif du droit de propriété devrait permettre au propriétaire de s'opposer à n'importe quelle utilisation de la chose, son exploitation mais aussi sa simple reproduction. L'usus comme le fructus présentent un caractère exclusif. Mais, consciente de ce qu'un tel droit du propriétaire aurait d'excessif, la Cour de Cassation pour des considérations de politique juridique, entendu limiter le droit d'opposition du propriétaire à l'exploitation commerciale de l'image du bien: le propriétaire ne peut s'opposer à l'utilisation de l'image de son immeuble à des fins privées sans méconnaître la liberté des passants ou des visiteurs: il ne faut pas décourager le tourisme et pas plus que le photographe amateur, le peintre du dimanche ou la personne qui dessine pour son plaisir ne doivent être inquiétés dès lors qu'il n'y a pas violation de domicile ni atteinte à la vie privée A cet effet, elle inscrit le droit sur l'image de la chose dans le fructus et le rattache au droit de jouissance. [...]
[...] Il s'agit d'un arrêt de rejet rendu par la 1ère Chambre civile le 5 juillet 2005, abordant le sujet très controversé de l'exploitation de l'image d'un bien par autrui. En l'espèce, une société d'édition publie une photographie d'un immeuble appartenant à autrui sans le consentement préalable. Les propriétaires assignent la société en dommages intérêts. Après un jugement en première instance, ils interjette appel puis se pourvoi en cassation au motif que selon l'article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, le propriétaire ayant seul le droit d'exploiter son bien sous quelque forme que ce soit, et que l'exploitation du bien par un tiers, sous forme de photographie, porte atteinte à ce droit de jouissance. [...]
[...] Il est ainsi non seulement au plan national, mais aussi au plan européen (CJCE 22 octobre 1991). Dès 1920, Marcel Nast écrivait que le fait de dessiner ou de photographier une chose ne porte atteinte à aucune des prérogatives reconnues traditionnellement au propriétaire La question avait été soumise à de multiple reprises au cours des années 1970, aux juges du fond, sans que ceux-ci parvinssent à dégager une doctrine claire (en 1991 la loi ne protège expressément que l'image des personnes et non celle des biens en 1995 tout propriétaire a le droit le plus absolu d'interdire la reproduction à des fins commerciales de ses biens en 1998 le propriétaire ne possède aucun droit de reproduction et de représentation sur son bien c'est ainsi dire que l'intervention de la Cour de cassation était attendue. [...]
[...] Le propriétaire d'une chose peut-il s'opposer à un tiers, lorsque ce dernier exploite l'image de ce bien, sans qu'il lui ait demandé son consentement ? Le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci cependant, il peut s'opposer à l'exploitation de cette image par autrui lorsqu'elle cause un trouble anormal (II). Le droit exclusif du propriétaire sur l'image de ses biens : une remise en cause Si cet arrêt confirme le revirement engendré en 2004 par l'Assemblée plénière il tend à dénaturer une fois pour toute le sens exclusif de la propriété privée Le revirement de jurisprudence résultant de l'Assemblée plénière le 7 mai 2004 La question de l'exploitation de l'image d'un bien par autrui a fait couler beaucoup d'encre. [...]
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