La Chambre mixte de la Cour de cassation a, par le présent arrêt du 26 mai 2006, opéré un revirement de jurisprudence sur la question essentielle de la sanction de la violation d'un pacte de préférence. Jusqu'à présent en effet, la jurisprudence refusait d'accorder au bénéficiaire d'un pacte de préférence le droit de se substituer dans les droits du tiers créancier.
Par acte notarié de donation-partage en date du 18 décembre 1957, Mme X s'est vu attribuer un droit de préférence concernant un bien immobilier situé à Haapiti (...)
[...] Ainsi, dans un arrêt de la troisième chambre civile du 4 mars 1971, la Cour de cassation avait considéré qu'un pacte de préférence portant sur un immeuble constitue une restriction au droit de disposer opposable aux tiers, dès lors qu'elle a fait l'objet d'une mesure de publicité. Des arrêts postérieurs viendront affirmer le contraire. C'est ainsi que la Cour de cassation prive cette publicité de tout effet. Que celle-ci soit facultative ou obligatoire, la publicité foncière a eu lieu et de ce fait même, nul n'est censé l'ignorer. [...]
[...] Tout d'abord, et comme nous l'avons vu précédemment, parce qu'elle n'est pas achevée et que la Cour de cassation a proposé dans ce revirement un régime qu'elle prive de toute efficacité. Dans un second temps, on pourrait critiquer le principe même posé par la Cour ici, à savoir la faculté de substitution, en considérant que cela porterait atteinte à la force obligatoire du contrat de vente conclu avec l'acquéreur tiers. Le vendeur qui a promis de donner la préférence au bénéficiaire devrait lui aussi faire l'objet d'une exécution forcée envers le tiers de bonne foi qui a acquis le bien. [...]
[...] Même si celle-ci existe, cela reviendrait à démontrer que le tiers a eu connaissance de cette publicité, ce qui la rend finalement inutile. Elle est inopposable au tiers qui a acquis un immeuble en violation d'un pacte de préférence. Pourtant, la publicité devrait constituer à elle seule la mauvaise foi du tiers. Celui-ci, lorsqu'il achète un bien, et en particulier un immeuble, est censé se comporter en bon père de famille et il devrait en tant que tel consulter les registres de la conservation des hypothèques pour vérifier que le bien qu'il a acheté ne comporte aucune mauvaise surprise. [...]
[...] C'est là tout la difficulté de la probatio diabolica, qui rend inefficace la nouvelle position de la Cour de cassation sur la substitution. Celle-ci, après avoir enfin admis l'exécution en nature du pacte de préférence par substitution, s'empresse de poser une condition spécialement étroite pour annuler les effets de cet attendu de principe qui était pourtant très attendu. Ainsi, malgré l'acceptation d'une substitution, la Chambre mixte rejette le pourvoi des consorts X en considérant qu'ils n'avaient pas rapporté la preuve que la société Emeraude savait que Mme X avait l'intention de se prévaloir de son droit de préférence. [...]
[...] Une deuxième solution tendrait à adopter la position de la Cour de cassation ici, mais en rajoutant la condition d'une collusion frauduleuse entre le promettant-vendeur et le cessionnaire. Une troisième solution reconnaîtrait l'inopposabilité au bénéficiaire du droit de préférence avec la conclusion du contrat promis à son profit. Enfin, on pourrait reconnaître au juge le pouvoir de choisir le mode de réparation qui lui paraît le plus approprié dans le cas ou il y a mauvaise foi du vendeur ou collusion frauduleuse. [...]
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