En l'espèce, un contrat avait été conclu pour la conception d'une machine. Le fabricant n'a pu honorer la commande à la date prévue en raison de son état de santé et a convenu avec son contractant d'une autre date, laquelle n'a pas pu non plus être respectée, le fabricant étant décédé des suites d'un cancer. Se prévalant d'une inexécution du contrat, le créancier a assigné les héritiers de son débiteur en résolution du contrat sur le fondement de l'article 1184 du Code civil et en réparation du dommage subi sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.
La Cour d'appel l'a débouté de son action en responsabilité contractuelle aux motifs que le débiteur se trouvait exonéré de sa responsabilité par la force majeure, car seul le débiteur pouvait exécuter la prestation prévue au contrat et qu'il en avait été empêché par sa maladie, et que la maladie survenue après la conclusion du contrat présentait un caractère imprévisible et irrésistible (...)
[...] D'une part, certains arrêts de la Cour de cassation sont allés en ce sens. Ainsi, il a été jugé que l'irrésistibilité était à elle seule constitutive de la force majeure lorsque sa prévision ne saurait permettre d'en empêcher les effets, sous réserve que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de l'événement4. D'autre part, de nombreux auteurs souhaitaient qu'un événement même prévisible puisse être constitutif de la force majeure si sa prévision ne permettait pas d'en empêcher les effets et si le débiteur avait pris toutes les mesures requises pour éviter sa réalisation. [...]
[...] Pour mémoire, il est très fréquent que le débiteur de l'obligation contractuelle en confie l'exécution à un tiers. En effet, la Cour de cassation prend soin de rapporter un des éléments retenus par les juges d'appel afin de conclure que l'exonération a été prononcée à bon droit, à savoir que seul Michel Z. était en mesure de réaliser la machine En conséquence, le débiteur ne doit disposer d'aucun autre moyen d'exécuter le contrat. Dès lors l'impossibilité d'exécution caractérisée, le débiteur est exonéré de la responsabilité contractuelle encourue. [...]
[...] La prévisibilité de l'événement après la conclusion du contrat est indifférente et ne fait pas obstacle à la caractérisation de la force majeure. Il faut expliquer les raisons d'un tel choix. En choisissant la date de conclusion d'un contrat pour moment d'appréciation de la condition d'imprévisibilité, on fait peser sur le débiteur le risque d'inexécution qui était prévisible au moment de la conclusion du contrat, puisque sa responsabilité sera engagée. Si l'événement à l'origine de l'empêchement était prévisible au moment de la conclusion du contrat, le débiteur s'est engagé alors qu'il savait qu'il ne pourrait peut-être pas honorer son engagement. [...]
[...] La première chambre civile de la Cour de cassation avait déjà retenu que la maladie du débiteur puisse recevoir la qualification de force majeure. Ainsi, ont été jugées constitutives d'un événement de force majeure la maladie frappant un élève l'empêchant de suivre la formation dispensée par l'école contractante8, et la maladie affectant l'égyptologue qui devait accompagner les participants à un voyage organisé9. En conséquence, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation ne fait que confirmer les solutions d'ores et déjà retenues en matière contractuelle. [...]
[...] Comment qualifier l'événement prévisible dont la venue ne pouvait être évitée et dont les effets ne pouvaient être surmontés ? Aucune réponse univoque à cette interrogation ne peut être donnée, la condition d'imprévisibilité étant en l'espèce réunie. Il est ainsi difficile d'affirmer que la solution préjuge de ce qui aurait été jugé si l'imprévisibilité n'avait pas été constatée. En n'exigeant que les conditions d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation fait abstraction de la condition d'extériorité V. notamment Cass. 1e civ mars 1966 : Bull. civ. mars 1994 : Bull. civ. nov : Bull. [...]
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