Si l'on s'en tient au pied de la lettre, l'article 1415 du Code civil ne vise que le cautionnement et l'emprunt. Certes, la garantie autonome n'existait pas en 1965. Force est de constater, pourtant, qu'aujourd'hui, la garantie autonome existe bel et bien, et que ces deux notions ont toutes deux en commun de protéger un conjoint contre les engagements pris par l'autre qui peuvent mettre en péril la communauté.
Cependant, la garantie autonome échappe à la loi Dutreil et apparaît comme étant une sûreté d'un degré supérieur au cautionnement puisqu'il s'agit d'un engagement autonome (...)
[...] Aussi, l'article 1421 pose le principe selon lequel l'époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d'accomplir les actes d'administration et de dispositions nécessaires à celle-ci tandis que les articles suivants maintiennent le système de cogestion lorsque le bien est important ou que l'acte est grave. Finalement, tout cela peut s'avérer bien peu rassurant. En effet, le droit des sûretés est un droit en perpétuelle mouvance, où les créanciers défient continuellement les lois protectrices des débiteurs. Certains, tels les professeurs Terré et Simler, ont d'ailleurs pu écrire que l'article 1415 du Code civil était en réalité plus nocif que protecteur, dans la mesure où le consentement exprès du conjoint de l'époux souscripteur suffit à engager les biens communs. [...]
[...] On le voit d'ailleurs bien en l'espèce : l'époux avait souscrit une garantie à première demande en considération de la dette de la société dont il avait la gérance ; il va de soi que si le législateur été intervenu en introduisant par exemple un autre système, tel celui de la cogestion, le souscripteur aurait été bien en mal de se voir accorder un prêt ou un crédit sans l'accord du conjoint. Toute la délicatesse des rédacteurs du Code civil réside donc dans la conciliation de la protection du patrimoine de la communauté et de l'indépendance professionnelle des époux. [...]
[...] L'article 2321 du Code civil va d'ailleurs en ce sens. Cet article dispose que le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie, [sauf] en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre Quant aux controverses doctrinales sur le rapport d'accessoire à l'obligation principale, cet article y met un terme en disposant que sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation principale Aussi, l'ordonnance du 23 mars 2006 a-t-elle eu le mérite, notamment au travers l'article 2321 du Code civil, de clarifier la distinction faite entre ces deux notions voisines. [...]
[...] Par ailleurs, la chambre mixte de la Cour de cassation, dans un arrêt du 2 décembre 2005, avait elle-même exclu du champ d'application de cette disposition le cautionnement réel précisément parce qu'au-delà des similitudes, il ne pouvait être assimilé à un cautionnement. Malgré tout, la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que l'article 1415 est applicable à la garantie à première demande qui, comme le cautionnement, est une sûreté personnelle, laquelle consiste en un engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'un obligation souscrite par un tiers, à verser une somme déterminée, et est donc de nature à appauvrir le patrimoine de la communauté Aussi, le critère décisif de l'applicabilité de l'article 1415 cc semble être la notion de sûreté personnelle de nature à appauvrir le patrimoine de la communauté notion qui, dans le respect d'une cohérence jurisprudentielle, englobe la garantie autonome, et plus précisément la garantie à première demande. [...]
[...] C'est donc, certes de façon plus ou moins attendue, légitimement qu'en l'espèce la Cour a estimé que la garantie ne pouvait pas s'exécuter sur les biens communs des époux, et que seuls les biens propres et les revenus de l'époux souscripteur étaient susceptibles de faire l'objet d'une saisie- vente. Toutefois cette interprétation analogique du texte 1415 cc doit s'entendre restrictivement aux sûretés personnelles, qui se reconnaissent à la création d'un droit de créance supplémentaire et à l'absence de contribution à la dette du garant. Sont ainsi exclus de cette interprétation extensive les sûretés réelles. [...]
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