L'article 912 du Code Civil (CC.) pose que la réserve héréditaire « est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».
La réserve héréditaire fait de plus partie de l'ordre public successoral, la première chambre civile l'a énoncé clairement dans un arrêt en date du 22 février 1977 : « Aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi ». Ainsi, l'instrument est une garantie à minima de justice et de secours familial de telle sorte d'une part que l'exhérédation discrétionnaire d'un descendant par le défunt devient de droit impossible et d'autre part que les tentations du decujus de privilégier démesurément la « primogéniture mâle » par un droit d'ainesse traditionnellement issu de l'ancien droit sont fortement restreintes. Les seules possibilités offertes par le droit pour évincer un héritier réservataire tiennent aujourd'hui à la renonciation ou à l'indignité de celui-ci, rappelant la révocation pour indignité des donations. Si l'on ajoute que les premiers réservataires et ce depuis 1972 pour la rédaction actuelle sont les descendants du défunt (article 913 CC.), il s'agit alors pour le droit positif de faire preuve d'un bon sens certain dans l'appréhension de l'entraide et de la fraternité entourant le concept même de famille.
S'il apparait que la première conséquence d'une telle réserve tient en premier lieu au maintien de l'équité dans la famille, il est surtout remarquable dans les faits que la réserve héréditaire limite la liberté du decujus disposant à titre gratuit de ses biens tout au long de sa vie par des donations et à son décès par des legs. Ces libéralités seront susceptibles dès lors d'actions en réduction de la part des héritiers réservataires, lésés le cas échéant dans leurs droits si le montant desdits actes venaient à excéder la quotité disponible au jour de la liquidation de la succession. La réserve héréditaire poursuit cependant un mouvement d'affaiblissement notamment au jour nouveau des lois de 2001 et 2006.
En quoi la réserve héréditaire, pourtant nécessaire au maintien d'un équilibre et d'une égalité dans la famille se trouve aujourd'hui affaiblie par des conceptions familiales modifiées et un nouveau regard porté sur le concept même de réserve ? (...)
[...] La renonciation anticipée est de même potentiellement dangereuse pour les majeurs protégés. En effet, l'article 930-1CC. pose que la capacité requise du renonçant est celle exigée pour consentir une donation entre vifs Ainsi, le majeur sous tutelle pourra se voir imposer sans qu'il puisse faire quoi que ce soit, par son tuteur, la renonciation à sa réserve héréditaire. Le législateur a encore voulu ajouter un garde-fou en considérant que la révocation de la renonciation n'est possible, entre autres, si au jour de l'ouverture de la succession, le renonçant est dans un état de besoin qui disparaitrait s'il n'avait pas renoncé à ses droits réservataires (930-3,3°CC.). [...]
[...] S'il est vrai que le principe adopté est aujourd'hui plus simple à mettre en œuvre, il n'en reste pas moins que celui-ci va à l'encontre du principe même de l'existence d'une réserve héréditaire, dont l'objectif ressemble dès lors plus à un partage de gâteau qu'à une réelle volonté de protéger les héritiers réservataires en conservant le bien dans la famille. Malgré tout, la réserve héréditaire, bien qu'attaquée de toute part reste cependant la pierre angulaire de l'ordre public successoral. Ainsi, le défunt, qui voit sa liberté renforcée, ne peut néanmoins s'en affranchir. [...]
[...] En effet, non seulement il semblait nécessaire de faire en sorte que les biens de familles restassent dans la famille par le sang, mais le développement des remariages a incité le législateur à faire preuve à priori d'un bon sens pouvant éviter les tensions et les griefs pouvant porter atteinte à l'entente familiale notamment entre le conjoint survivant et les ascendants. Cependant cette compensation semble représenter le strict minimum moral pouvant être offert aux ascendants. En effet, non seulement il remplace ce qui était une réelle réserve héréditaire au profit des géniteurs mais ce droit de retour est de plus incomplet. [...]
[...] Si la donation entre époux, l'institution contractuelle sont compréhensible dans le sens où il y a une réelle volonté de favoriser un choix du decujus, la renonciation anticipée à l'action en réduction introduite à l'article 929 du Code Civil est plus contestable. En effet, celui-ci pose que tout héritier réservataire peut renoncer à une action en réduction dans une succession non ouverte. De manière quasi automatique, cette possibilité de renoncer à la réserve héréditaire avant même l'ouverture de la succession va entrainer deux grandes conséquences. Ainsi, la renonciation anticipée à l'action en réduction des réservataires va entrainer des jeux de pouvoir et d'influence au sein de la famille et ce quel que soit l'étendue du patrimoine du decujus. [...]
[...] On assisterait ici à la mise en place d'un régime de donations partages qui ne dit pas son nom, le decujus faisant la distribution de son patrimoine via les renonciations à l'action en réduction. La réserve héréditaire est aussi attaquée dans son concept même originel dans le fait qu'elle est non plus considérée comme un moyen de transmettre un patrimoine matériel mais un moyen par lequel chacun aura une créance sur la succession du défunt. B La considération de la réduction en valeur comme une créance personnelle L'article 924CC. [...]
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