D'après l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, les commettants sont responsables des dommages causés « par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ». A contrario ils ne sont pas responsables des dommages causés par leurs préposés hors de ces fonctions, autrement dit, en cas d'abus de fonctions.
Mais à partir de quand peut-on considérer que le préposé n'agit plus dans le cadre de ses fonctions? La réponse ne pose aucun problème lorsque le dommage a été causé à l'occasion des activités extra-professionnelles du préposé. Il n'y a aucune raison pour que le commettant soit désigné responsable. Il n'y a également aucun problème quand le dommage a été causé, conformément à la loi, dans les fonctions auxquelles le préposé est employé (par exemple un accident de chantier pendant le temps de travail, sur les lieux de travail et avec les outils confiés par le commettant). En revanche toute la difficulté apparaît en présence de situations dans lesquelles un rapport existe entre le dommage et les fonctions du préposé (un rapport de temps, de lieu ou de moyens) et quand bien même son acte est étranger à ses fonctions. Ainsi en cas de détournement de fonds par le préposé d'une banque ou d'utilisation par un salarié du véhicule de son employeur. Ces situations se situent à la limite entre les deux hypothèses précédentes. Doit-on considérer que le préposé est encore dans le cadre de ses fonctions ou non? Quand y a-t-il abus de fonctions? On le voit, si le concept est admis par tous, son appréciation pose problème. L'interprétation des termes de l'alinéa 5 a été l'objet de divergences entre la deuxième chambre civile et la chambre criminelle de la Cour de cassation, nécessitant plusieurs interventions de l'Assemblée plénière.
[...] Les juges tendent à présumer cette autorisation laissant au commettant la possibilité d'apporter la preuve contraire. -à des fins étrangères à ses fonctions: cette condition est subjective. Il convient de rechercher à quelles fins le préposé a agi. L'acte étranger aux attributions s'apprécie par référence à la finalité de celles-ci. Si le préposé a agi à des fins personnelles ou dans un intérêt autre que celui de son employeur, l'abus de fonctions pourra être retenu. -hors de ses fonctions: cette condition constitue l'élément objectif de l'abus de fonctions. [...]
[...] Larroumet). La précision de la formule n'a réglé le problème de l'abus de fonctions que dans l'hypothèse particulière de l'utilisation d'un véhicule de fonctions pas un préposé à des fins personnelles. Or dans ce cas, les deux chambres de la Cour de cassation ont conservé leurs solutions antérieures, la chambre criminelle faisant toujours plus preuve de bienveillance à l'égard des victimes. L'Assemblée plénière, à nouveau réunie le 17 juin 1983, admit l'irresponsabilité du commettant en cas de dommages causés par le préposé qui, agissant sans autorisation, à des fins étrangères à ses attributions, s'est placé hors des fonctions auxquelles il était employé (Cass. [...]
[...] Affaires obs. J.F.). La jurisprudence reste sévère dans l'appréciation de l'abus de fonctions car il a pour conséquence d'exonérer le commettant de toute responsabilité, laissant aux victimes la seule possibilité d'agir contre le préposé. Or l'enjeu est accru depuis que la jurisprudence a considéré que le préposé qui agit dans le cadre de sa mission ne peut être personnellement responsable. Il importe dès lors de tracer les frontières entre ces deux notions (abus de fonction et dépassement du cadre de sa mission) pour déterminer la responsabilité de chacun (commettant ou préposé: intérêt pour la victime et pour l'éventuel recours du commettant). [...]
[...] Si le préposé a abusé de ses fonctions, le commettant est exonéré de toute responsabilité. La notion est étroitement liée à l'évolution de la responsabilité délictuelle: la logique de la responsabilité délictuelle repose sur la réparation des dommages causés aux victimes. L'abus de fonctions étant une cause d'exonération de responsabilité du commettant, il est logique que son interprétation soit la plus restrictive possible. On constate en effet qu'après une naissance des plus laborieuse ayant abouti à une conception restrictive de l'abus de fonctions, la survie de cette notion reste hasardeuse soumise à l'appréciation des juges du fond et concurrencée par la nouvelle notion de dépassement des limites de la mission du commettant à l'intérieur duquel il bénéficie d'une complète immunité. [...]
[...] Ainsi il n'y a pas d'abus de fonctions si le préposé, tout en ayant agi dans un but étranger à ses fonctions, a commis l'acte dans le cadre objectif de son travail. Les juges tendent à être stricts en appréciant cette condition: ils ont rejeté l'abus de fonctions dans des hypothèses de vol de biens par le préposé dont la mission était de les surveiller (Cass. crim février 1999, JCP 2000.I.199, 11, obs. G. Viney), dans des cas de détournement de fonds remis à un employé dans l'exercice de ses fonctions (Cass. Civ. 2E juin 1992, Bull. Civ. [...]
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