« Nul n'est responsable (…) que de son propre fait ». Si le principe consacré à l'article 121-1 du Code pénal a toujours dominé le droit répressif, il comporte de nombreuses exceptions dans les matières civiles et administratives, qui permettent de rechercher la responsabilité d'un individu pour les faits commis par les personnes dont il répond.
L'exception au principe s'applique avec une force particulièrement aigüe lorsqu'il s'agit d'engager la responsabilité des employeurs à raison des faits dommageables reprochés à leurs subordonnés, dès lors que cette responsabilité ne peut quasiment jamais être écartée, sauf à démontrer un abus de fonction de la part du salarié.
C'est dans ce cadre de la responsabilité de l'employeur du fait des dommages causés par ses préposés que prend sa place la notion d'abus de fonction du salarié. Celle-ci conduira à exonérer de sa responsabilité civile un commettant qui peut établir qu'en agissant le salarié a dépassé le cadre de ses missions et a agi dans son intérêt personnel, qu'il a donc commis une faute détachable de ses fonctions, laquelle ne peut engager la responsabilité de l'employeur.
Il conviendra naturellement de s'interroger sur la notion d'abus de fonction : que signifie cette notion ? Quelles sont les conditions d'admission de l'abus de fonction ? Quels sont ses effets sur la responsabilité de l'employeur et sur celle du préposé ? Cette notion opère-t-elle également en matière administrative lorsque la faute est imputable à un agent du service public ?
[...] En effet, le droit de la responsabilité administrative bénéficie d'un régime dérogatoire du droit commun. Il est cependant intéressant de s'interroger sur la possibilité de transposer la notion d'abus de fonction en matière administrative et de déterminer qui engage sa responsabilité lorsqu'un agent public commet une faute durant ses heures de travail, mais en dépassant le cadre des missions qui lui ont été confiées. III. La notion d'abus de fonction en matière de responsabilité administrative La possibilité même de mettre en œuvre la responsabilité de l'administration a fait l'objet d'une évolution importante puisque le principe d'irresponsabilité de la puissance publique a longtemps prévalu comme corollaire de la souveraineté, sauf lorsqu'un texte dérogatoire prévoyait un possible engagement de cette responsabilité. [...]
[...] crim. nº212. Cass, Ass. plèn juin 1983, nº de pourvoi 82-91632. Cass, Ass. Plèn mai 1988, D note LARROUMET. Cass, civ. 2e juin 2003, nº de pourvoi 00-22626. [...]
[...] Cette conception a longtemps eu la faveur de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Dès 1907, elle admit que le commettant était responsable des actes dommageables de son préposé, même s'ils sortaient du cadre normal de sa fonction, dès lors que leur accomplissement avait été facilité par l'exercice de celle-ci[4]. A nouveau, dans un arrêt du 5 novembre 1953, la chambre criminelle devait se prononcer sur la responsabilité de l'employeur d'un ouvreur de cinéma qui avait violé et tué une fillette ; la Cour de cassation a admis la responsabilité de l'employeur en tant que commettant, car, les faits s'étant déroulés durant le temps de travail du salarié, c'était ce travail qui avait fourni les moyens de la réalisation des crimes. [...]
[...] Cousin, sans doute inspiré par la jurisprudence Costedoat, forma un pourvoi en cassation afin que soit écartée sa responsabilité civile personnelle. Ce pourvoi fut rejeté par la Cour de cassation qui affirma que le préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fût ce sur l'ordre du commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile à l'égard de celui-ci ; autrement dit, l'irresponsabilité civile du salarié est écartée lorsqu'il a été condamné pour une infraction intentionnelle. [...]
[...] On ne parle pas non plus d'abus de fonction en matière administrative, mais les raisons pour lesquelles l'employeur peut se dégager de sa responsabilité ne sont- elles pas très similaires en droit civil et en droit administratif ? Rappelons que le commettant ne sera jugé irresponsable des actes commis par son préposé que s'il parvient à démontrer que ce dernier a agi sans autorisation, en poursuivant des fins étrangères à sa mission et en dépassant objectivement le cadre de ses fonctions. N'est-ce pas dans les mêmes conditions que l'administration parviendra à se libérer de sa responsabilité ? [...]
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