La loi du 6 Fructidor an II proclame qu'aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre.
La tension existant entre ce principe, de premier abord très strict, et la notion de droit subjectif se rapportant au nom est précisément ce qui a donné lieu à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 31 janvier 1978 .
Au XVIIIème siècle, M. Pierre-Alexandre Mortomard de Boisse a signé de son patronyme, lors de son second mariage en 1754, avec l'orthographe Mortemard. Plus de deux cents ans plus tard, l'orthographe s'étant perpétuée, M. François de Rochechouart de Mortemart de Tonnay-Charente, sous prétexte d'usurpation de son patronyme, a assigné en justice les consorts Mortemard de Boisse.
[...] de Rochechouart de Mortemart, la Cour a par ailleurs appuyé cette décision des motifs relevés par la Cour d'appel de Paris concernant la loyauté de la modification par l'ancêtre des consorts Mortemard de Boisse. Cet arrêt conduit à analyser la tension existant entre les deux natures du nom. Nous verrons dans un premier temps le nom comme institution de police civile, puis, dans un second temps, le nom comme droit subjectif. I. Le nom, institution de police civile Le nom est l'appellation qui, dans la société, dans la vie en groupe, permet de désigner une personne et de la distinguer des autres. Son utilité sociale est donc évidente. [...]
[...] Si la réalité n'est pas forcément telle, le principe interdit bien la libre disposition du nom par l'individu qui le porte. Le rôle d'identification de l'individu par son nom est primordial et absolument reconnu par tous[2]. Le nom est ainsi immuable, mais aussi obligatoire et unique d'après la loi du 6 fructidor an II. Chacun est tenu de faire usage de son nom, de se désigner et de se faire désigner par lui, et chaque individu n'a qu'un nom, celui énoncé dans son acte de naissance. On comprend par cela l'argument de M. [...]
[...] En effet, celui-ci avance en premier lieu le principe de l'immutabilité du nom patronymique proclamé par l'édit d'Amboise du 26 mars 1555 (en vigueur à l'époque des faits) et confirmé par la loi du 6 fructidor an II. En conséquence, une modification volontaire du nom patronymique serait illicite peu importe les motifs, et, par ailleurs, la bonne foi de l'ancêtre des défendeurs n'est d'après le demandeur nécessairement pas objet de débat, le caractère volontaire de la modification l'excluant. Enfin, il prétend que le moyen selon lui invoqué d'office par les juges d'appel pour confirmer la loyauté de la possession serait un moyen de pur fait, ne se retrouvant pas dans les écritures des parties. [...]
[...] Si la Cour d'appel a en l'espèce bien relevé que seule l'orthographe des noms à prétention nobiliaire était définitivement fixée, tandis que M. de Rochechouart a justement avancé que les seuls changements de nom licites étaient ceux autorisés par le souverain, le titre de consul de France à l'étranger attribué à Pierre-Alexandre (par l'Etat), et ayant donné lieu à la modification définitive de l'orthographe de son patronyme, réconcilie en quelque sorte ces deux idées antithétiques à première vue. La prise en compte de cette réalité permet de justifier la modification, en l'absence de document officiel l'autorisant expressément, par l'imputation à Pierre-Alexandre d'un souci de francisation de son patronyme puisqu'il est établi qu'il a commencé à être désigné ainsi lorsque lui fut conférée la charge de consul. [...]
[...] de Rochechouart de Mortemart que la loi s'oppose à tout changement volontaire de nom patronymique, rendant illicite un tel acte. Cependant, si tel est le principe, son application n'est pas toujours aussi stricte et permet quelques exceptions, régulées toutefois. B. L'application et les exceptions au principe En dehors des moyens fixés par la loi pour le changement de nom patronymique à l'époque actuelle, la Cour peut décider de ne pas appliquer le principe de l'immutabilité du nom de manière systématique, et par conséquent ne pas sanctionner un tel changement. [...]
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