Dans une société ayant placé le travail au fondement de son existence, à la fois moyen cardinal et but suprême, la liberté du travail ne peut qu'avoir une importance majeure.
Elle n'a pourtant été expressément proclamée par aucun texte constitutionnel. Elle a seulement été déduite de l'article 7 du décret des 2 et 17 mars 1791 (décret d'Allarde) disposant : « à compter du 1er avril prochain, il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon » = liberté du commerce et de l'industrie impliquant la liberté du travail.
Le CC n'a pourtant jamais consacré le principe de la liberté du travail malgré plusieurs occasions.
Ainsi, dans la décision du 28 mai 1983, le juge constitutionnel a répondu à la prétention des parties selon laquelle les dispositions législatives interdisant le cumul emploi-retraite méconnaissait le principe de la liberté professionnelle en limitant les possibilités d'exercer un emploi, que c'était sans violer de principe ou règle de valeur constitutionnelle que la loi soumise à examen avait pu interdire le cumul.
Mais cette carence n'empêche pas à la liberté du travail d'avoir foncièrement valeur constitutionnelle du fait de son éminence dans l'organisation économique et sociale. La CC° n'hésite d'ailleurs pas à se référer expressément au caractère constitutionnel de la liberté du travail.
La liberté du travail vient autoriser la négociation de l'activité humaine (force du travail) et place cet échange sous le signe de la liberté. La liberté de travail place le rapport de travail sous l'égide de la liberté contractuelle.
Pour rendre plus effective la liberté du travail, on inventera le droit au travail. Longtemps après les ateliers nationaux, le préambule de la Constitution de 1946 lui donnera grande force en énonçant parmi les droits particulièrement nécessaires à notre temps, celui d'obtenir un emploi auquel s'ajoute le devoir de travailler.
[...] Des obstacles au libre déploiement de l'industrie résultent de l'organisation impérative du travail : plafonnement de la durée hebdomadaire du travail, interdiction de principe du travail dominical, encadrement du cumul d'emplois. Restreinte par le droit du travail, diversifiée avec le droit du travail, limitée par la liberté d'entreprendre, la liberté du travail occupe une position semblable à la plupart des droits et libertés fondamentaux. Malgré ceci, la liberté du travail demeure fondatrice des relations de travail dans notre système juridique et économique. [...]
[...] Economiquement, ce droit ouvre par principe le marché du travail et l'érige en lieu décisif pour la mobilisation des forces de travail. Il implique l'élimination des règles et autres conditions restreignant la libre rencontre entre employeurs et salariés : c'est l'abolition des métiers, jurandes et corporations. Politiquement, le droit de choisir librement son activité constitue l'une des libertés individuelles essentielles dans un système égalitaire. Il justifie les dispositions prohibant les discriminations en matière d'emploi (race, opinion, croyances ) : choisir son activité c'est être recruté sur la seule considération de ses compétences et aptitudes professionnelles. [...]
[...] Les interdictions peuvent satisfaire un intérêt privé lorsqu'elles résultent de l'insertion d'une stipulation de non-concurrence dans un contrat de travail ou une convention collective. Cette obligation s'applique durant l'exécution du contrat de travail, mais n'implique pas que le salarié soit automatiquement tenu d'un devoir d'exclusivité envers l'employeur. La chambre sociale a d'ailleurs considéré que la clause par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à un employeur porte atteinte à la liberté du travail et n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionner au but recherché C'est pourquoi la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel ne peut lui être opposée et lui interdire de se consacrer à temps complet à son activité professionnelle. [...]
[...] Ces opérations doivent respecter le principe de sauvegarde de la personne humaine, mais ce principe ne s'oppose pas en soi à la négociation des choses humaines. La dignité appelle même le commerce juridique lorsque celui-ci est nécessaire à la protection de l'humanité et prohibe le commerce quand il porte atteinte à l'humanité de l'homme : un travail non rémunéré ou dont la rétribution est inférieure à la valeur fournie est contraire à la dignité de la personne. La force humaine de travail est donc apte à constituer l'objet d'un contrat. [...]
[...] Puisqu'elle porte atteinte à la liberté de travail, elle est encadrée dans de strictes conditions : elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise (les fonctions de fait, les connaissances acquises ou les contacts noués par le salarié lui ont conféré une maîtrise de fait de valeurs appartenant à son ancien commettant), limitée dans le temps et dans l'espace (réduction ou annulation possible par le juge), tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporter une contrepartie financière (chambre sociale juillet 2002 : la restriction d'activité doit être rétribuée puisqu'elle implique pour celui qui la subit un manque à gagner qui n'est pas compensé par le salaire qu'il a reçu durant son contrat de travail). B. La liberté de ne pas travailler 1. Le droit de refuser un travail Le droit à la paresse peut apparaître comme utopique, mais le non-travail est licite. Le droit de refuser un travail se justifie d'abord par la prohibition du travail forcé. En vertu du principe de l'autonomie de la volonté, chacun a le droit de ne pas contracter : nul n'est donc tenu de répondre à une offre d'emploi ou d'émettre une offre de services. [...]
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