Si le Code pénal de 1810 n'admettait pas que les infractions ripostant contre les atteintes aux biens soient justifiées, il y eut une consécration jurisprudentielle de ce principe, consécration codifiée dans le Nouveau Code pénal de 1994. Une partie de la doctrine qui s'oppose à ce principe affirme que l'atteinte à la propriété privée n'est jamais irréparable : le bien est souvent récupérable et le recours à la justice permet l'indemnisation.
En revanche, un autre courant doctrinal en accord avec le droit positif avance que l'atteinte à la propriété est fréquemment définitive, notamment du fait de l'insolvabilité de l'auteur de l'infraction.
Au-delà, il existe deux conceptions de la légitime défense des biens. La première l'envisage comme un conflit entre des intérêts individuels opposés. Sa mise en oeuvre comporte nombre d'inconvénients eu égard à la faible valeur morale des intérêts patrimoniaux qui la rend presque inefficiente et à l'insécurité qu'elle risque de générer.
La seconde conception considère la légitime défense des biens comme une contribution au maintien de l'ordre public, lorsque l'autorité qui en est chargée est défaillante. Elle semble plus cohérente même si son application totale rendait l'étendue de la légitime défense telle que la frontière la séparant de la justice privée en serait troublée. Il convient donc de s'interroger sur la portée de ces conceptions et leur mise en oeuvre.
[...] Un impératif de limitation une force exonératoire décuplée Le postulat une légitime défense des biens conçue comme maintien de l'ordre public peut s'avérer dangereux, et paradoxalement favoriser le retour à la justice privée et sa dose d'arbitraire. En en tenant strictement à cette conception, importe quel citoyen sous couvert du service rendu à la société disposerait de larges prérogatives à utiliser contre auteur une atteinte à des biens sans se soucier du déséquilibre entre attaque et la riposte. La force exonératoire découlant d'une défense prétendue légitime serait sans limites. [...]
[...] D'une manière plus générale, il a été observé que la légitime défense des biens inscrite dans un système de conflits entre des intérêts individuels est inefficiente. Or, si les citoyens devaient supporter toutes les entreprises infractionnelles contre leurs biens au motif que l'intégrité corporelle des personnes est une valeur supérieure à la conservation de leurs intérêts patrimoniaux, c'est toute la société qui serait bouleversée et déstabilisée. Sachant qu'il résulte de la loi que les individus ont pas le droit de défendre leurs biens, les criminels, voleurs ou incendiaires, seraient autant plus encouragés à passer à acte. [...]
[...] Il a donc lieu de mettre en place des mécanismes qui suscitent une telle décision. Ce sont ces gardes fous qui ont permis l'extension de la légitime défense aux biens: elle n'est pas dangereuse pour l'ordre social que dans la mesure où elle est nécessaire et proportionnée à l'attaque. En quelque sorte, cela permet de ne pas sacrifier l'intégrité corporelle de la personne (même si elle est un voleur) sur l'autel de la raison d'Etat. Ainsi, alors que les actes du défenseur doivent être nécessaires à la protection de sa personne pour être justifiés, alinéa 2 de article 122-5 du Code pénal précise que acte de défense des biens doit être strictement nécessaire au but poursuivi Les juges doivent donc apprécier tout spécialement cette nécessité. [...]
[...] La conservation des biens y échappe pas. C'est pour cette raison que de nos jours, envisager la légitime défense des biens en tant qu'opposition entre des intérêts individuels ne peut aboutir qu'à l'inefficience de la légitime défense des biens. Car le sacrifice d'une valeur supérieure ne peut être justifié par la préservation d'une valeur inférieure. Une conception génératrice insécurité Une telle conception de la légitime défense est parfaitement illustrée par le débat qui anima le Parlement avant l'adoption du nouveau Code pénal. [...]
[...] La valeur de l'intérêt patrimonial est si importante que le défenseur est en droit de porter atteinte à l'intégrité corporelle de l'agresseur pour le défendre. Puis, le Xxème siècle a vu la valeur morale de la propriété privée entamer une chute qui ne devait jamais être jugulée. De par le développement de la société démocratique, la fin de l'illusion du progrès et de sa séparation du concept de civilisation, puis des idéologies de gauche ainsi que de Etat Providence, c'est l'égalité qui est promise et promue au détriment de la liberté. Du coup, la propriété privée perd de son aura. [...]
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