«L'affaire est importante et, bien considérée mérite en plein conseil d'être délibérée» nous enseigne Corneille mettant en scène Don Fernand dans Le Cid. Dans l'esprit du juriste averti, il n'y a de bonne justice qu'une justice collégiale. Le développement massif du juge unique en procédure civile, dans un souci de rapide administration de la justice tend au contraire à ébrécher cette vieille tradition de collégialité. En droit judiciaire privé, il n'y a plus guère de domaines épargnés par l'apparition du juge unique, lequel, investi de vastes prérogatives, est amené à statuer seul sur des litiges d'importance variable. De l'héritage de la Révolution française il ressort une crainte persistante de l'absolutisme et le rejet quasi systématique de la personnalisation du pouvoir. La décision devait être l'oeuvre de plusieurs, et face à cette menace, la collégialité apparaissait comme une protection indispensable au spectre du juge arbitraire. Les termes du sujet délimitent celui-ci. Par «juge unique», il faut entendre la situation dans laquelle un juge va statuer seul sur un point déterminé d'un litige ou sur l'intégralité de celui-ci, à priori sur le fond et/ou sur la forme. Se pencher sur ses prérogatives consisterait à envisager sommairement l'étendue de ses pouvoirs et la variété de ceux-ci lorsqu'il statue seul. L'institution du juge unique s'envisagera en procédure civile. Par conséquent, il conviendra d'exclure de l'étude toute considération autre que nationale. Il faut noter toutefois que cette tendance n'est pas seulement française, le juge unique connaissant un succès grandissant dans les autres droits notamment européens. A titre anecdotique, l'ancien Tribunal de première instance des communautés européennes a adopté en 1999 un règlement de procédure lui permettant de statuer à juge unique sur les affaires simples ou n'affectant pas les principes fondamentaux. Si le sujet se centrera sur la procédure civile, il n'en demeure pas moins intéressant d'évoquer rapidement les tentatives progressives d'étendre cette institution en matière pénale et administrative. Enfin dans la mesure où le sujet est très vaste, il n'est possible ici que de dresser un tableau général, un aperçu de ce phénomène et de ses enjeux. (...)
[...] L'instruction en matière pénale est aussi l'apanage du juge unique. Cette présentation très sommaire ne permet évidemment pas d'envisager de façon satisfaisante l'ampleur du phénomène mais offre quelques exemples concrets démontrant que la consécration d'un juge unique jouissant de prérogatives étonnement importante, en droit de la famille, dans les situations d'urgence ou sur la maitrise de la procédure. Elles s'exercent à différents stades de la procédure civile tant l'instruction de l'affaire que le jugement au fond jusqu'aux conséquences postérieures au jugement : l'exécution des peines, la liquidation. [...]
[...] Le second cas plus complexe est celui ou la juridiction par nature collégiale, est démembrée. Le jugement sera rendu par le tribunal lui-même mais par un seul juge au lieu de trois dans un souci notamment de spécialisation. Le tribunal de grande instance en est la meilleure illustration. Ainsi la loi va directement attribuer à un juge ad hoc du tribunal de grande instance telle ou telle prérogative. C'est le cas du juge aux affaires familiales aux compétences sans cesse élargies : le changement de régime matrimonial, divorce, séparation de corps, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux en vérité des pans entiers sinon l'ensemble du droit de la famille. [...]
[...] L'institution du juge unique s'envisagera en procédure civile. Par conséquent, il conviendra d'exclure de l'étude toute considération autre que nationale. Il faut noter toutefois que cette tendance n'est pas seulement française, le juge unique connaissant un succès grandissant dans les autres droits notamment européens. A titre anecdotique, l'ancien Tribunal de première instance des communautés européennes a adopté en 1999 un règlement de procédure lui permettant de statuer à juge unique sur les affaires simples ou n'affectant pas les principes fondamentaux. [...]
[...] Le constat est simple : si le juge unique se multiplie en procédure civile c'est simplement que le législateur est réticent à l'instituer en matière pénale et en matière administrative. D'où l'intérêt pour lui de frapper plus fort la matière civile ou le contentieux est de toute façon plus massif et ou il est urgent de désengorger le rôle. En matière répressive d'abord le juge unique n'est pas absent devant le tribunal correctionnel et au tribunal de police. Mais il reste à l'état embryonnaire. La crainte de l'erreur judicaire, très lourde en matière pénale fait préférer la collégialité garantie de la liberté individuelle et contre la subjectivité du juge. [...]
[...] Il n'est pas anodin d'ailleurs de remarquer que les dérives observables ces dernières années se sont manifestées au niveau de l'instruction laquelle se fait à juge unique. A titre d'illustration en matière pénale l'affaire d'Outreau, le point culminant des dysfonctionnements judiciaires. [...]
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