Si l'on se réfère à l'étymologie, le terme vient du latin jus qui désigne globalement le mot « droit », et de « métrie », qui dérive du latin metrum et du grec metron qui signifie « mesure ». On peut donc définir littéralement ce terme comme une méthode ayant pour objet « la mesure du droit ».
Restons modeste face à cet ambitieux projet ! Replacé dans notre propos, il faut entendre ce terme dans un sens plus particulier. Il permet de nommer une « méthode de traitement de l'information ayant pour finalité la mesure des phénomènes juridiques ». La jurimétrie, dans le sens où nous l'envisageons, propose des méthodes d'observation empruntant aux sciences exactes ses outils et permettant de dégager des résultats qui, en s'appuyant sur une démarche la plus rationnelle et la plus rigoureuse possible, offre un taux de certitude élevé.
[...] Par ailleurs, la mise en place d'un tel outil d'investigation, en traitant l'information brute constituée par l'ensemble des décisions et à l'intérieur de chaque ressort de cour d'appel, assurerait une meilleure visibilité pour la gestion de l'appareil judiciaire, pour son fonctionnement et améliorerait considérablement la coordination de ses activités Richesse du contenu du message émanant des décisions du fond La démarche d'analyse phénoménologique, à partir des masses jurisprudentielles, peut contribuer à lever une partie de ce voile. Il est avéré que le terrain de prédilection pour la réalisation de ce type d'observation est constitué, sans aucun doute, par l'information contenue dans les décisions de premier et de second degré, ces dernières offrant la particularité d'être riches en données factuelles. De plus, les décisions du fond, du premier degré notamment, représentent quatre-vingt-dix pour cent du contentieux général. [...]
[...] Appliquée à l'étude de l'information contenue dans les décisions de justice, elle s'écarte résolument de la démarche classique et philologique, d'une part, et d'autre part, elle envisage le phénomène contentieux dans sa globalité. S'apparentant davantage à la sociologie qu'à l'analyse juridique traditionnelle dans sa finalité et ses résultats, elle ne participe plus de la même logique et ses objectifs différents. Privilégiant l'étude du réel, elle se fonde sur l'observation des adaptations du champ juridique, sans a priori dogmatique. En cela, elle est plus proche des théories développées par Auguste Comte et par les tenants de l'école du droit libre que des enseignements des philosophies thomiste ou kantienne ; elle est donc à situer, en partie, dans le courant positiviste où l'on classe généralement la sociologie juridique Cette dernière affirmation appelle une précision : la démarche proposée et la méthode appliquée au discours judiciaire s'inscrivent bien dans la panoplie des outils de traitement de l'information juridique. [...]
[...] Ce contentieux, à cet égard, constitue un bon observatoire de la réception des normes par le juge et les acteurs en procès. La confrontation du réel avec la règle juridique et la variété des postures des juges dans cette dialectique fait-droit sont forcément riches d'enseignementsNote 18 ; de plus, la pluralité des courants d'interprétations et quelquefois leur inventivité, sont porteurs de signes permettant d'appréhender ce que seront les futurs développements du droit normatif mais aussi de la jurisprudence Nature et forme de l'objet analysé : la décision de justice s'inscrit dans un processus communicationnel Plusieurs remarques doivent être formulées quant à l'objet informationnel observé (décision de justice) tenant, d'une part, à sa nature et, d'autre part, à sa forme. [...]
[...] Cependant, il faut noter que ce processus est marqué par son caractère aléatoire et qu'il ne s'enclenche que dans l'hypothèse de la mise en oeuvre d'une voie de recours par le plaideur insatisfait. Dans ce cas, le juge auteur de la décision (émetteur) envoie nécessairement un message à destination d'un autre juge (récepteur) qui est, soit le juge du second degré (appel), soit le juge de cassation. Il faut noter cependant que, dans ce processus, la décision rendue n'est pas toujours une bouteille à la mer. [...]
[...] La démarche, qui prend ici la forme de l'interpellation, dépasse le cadre judiciaire pour s'adresser par-dessus le juge au législateur. À titre d'exemple, on peut évoquer les questionnements provoqués par les fruits de la recherche en biologie et ses applications avant promulgation des premières lois portant sur la bioéthique de 1994 et qui ont donné lieu à quelques cas de jurisprudence fort médiatisés. Que l'on se souvienne de cette veuve qui réclamait au Centre de procréation assisté, après le décès de son époux, une fécondation post-mortem et la restitution d'embryons congelés ? [...]
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