[...] Parmi les risques importants existant dans la société actuelle, il y a ceux créés par les produits manufacturés, qui causent, ou sont susceptibles de causer, des dommages aux personnes ou aux biens : médicaments, aliments, appareils électriques ou électroniques, etc. Il s'agit là d'un problème relativement récent, apparu dans un pays comme le nôtre avec le développement de la société de consommation, à partir des années 1950. Depuis cette époque, un certain nombre d'affaires retentissantes ont malheureusement mis en lumière le risque que présentent certains produits : Stalinon, Talc Morhange, sang contaminé, hormone de croissance, Distilbène...
Face à ce problème, le droit a bien évidemment dû réagir. Il y a eu une réaction de la jurisprudence, qui pour ce faire a utilisé les instruments du droit commun. Mais il y a également eu une réaction législative, qui, fait remarquable, est intervenue au niveau européen. En effet, les dommages causés par les produits sont apparus comme un problème social significatif dans plusieurs pays à peu près à la même période. De plus, dans les années 1970, la CEE a cherché à prendre un tour plus « social » en développant notamment une politique en faveur des consommateurs. Cela l'a conduite à proposer une législation applicable en matière de responsabilité du fait des produits, par une directive du 25 juillet 1985. Cette directive a été transposée en France par une loi du 19 mai 1998, qui a introduit dans le Code civil de nouveaux articles 1386-1 sqq.
[...] La plupart des pays européens partaient donc d'un niveau de protection assez bas, et comme ils sont par ailleurs beaucoup moins favorables à la responsabilité sans faute que la France, ils n'ont pas voulu que le régime instauré par la directive de 1985 soit trop strict à l'encontre des responsables désignés. Le régime finalement adopté est donc issu d'un compromis et c'est un régime, qui, aux yeux des juristes français, n'a rien de particulièrement rigoureux. Rien à voir avec notre régime d'indemnisation des accidents de la circulation !
Le principe de base de la directive est que le producteur est responsable du dommage causé par le défaut de sécurité de son produit. La responsabilité repose donc sur le défaut du produit, ce qui ne constitue rien de réellement nouveau pour le droit français. Ce qui est plus nouveau, en revanche, c'est que la responsabilité est « canalisée » sur le seul producteur du produit, alors que traditionnellement, le droit français, que ce soit sur le fondement de la garantie des vices cachés ou sur celui de l'article 1382 du Code civil, fait peser la responsabilité sur le producteur, mais aussi sur le vendeur professionnel, même s'il n'est pas producteur. Comme nous allons le voir, cette différence s'est avérée être source de difficultés.
[...] Les produits visés sont uniquement des biens meubles. Les immeubles sont donc exclus du régime spécial, mais l'exclusion n'est que relative, puisqu'un bien meuble incorporé dans un immeuble reste soumis au régime ? mais à condition d'être individualisable. On peut ainsi penser que si du béton de mauvaise qualité est utilisé pour construire un bâtiment, et qu'il provoque un effondrement qui cause un dommage, la responsabilité du producteur de béton pourra être recherchée sur le fondement du régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux, dès lors qu'il est établi que c'est le défaut du béton, bien meuble incorporé dans l'immeuble, qui a causé le dommage.
Tous les biens meubles sont donc potentiellement visés par le nouveau régime. Quelques précisions cependant. (...)
[...] : la dangerosité des produits du même type. Mais la comparaison, pour être pertinente, doit porter sur des produits mis en circulation à peu près à la même époque. Pour apprécier la dangerosité d'une voiture de 1990, il faut la comparer à une voiture du même âge, pas à une voiture de 2007 (airbag, etc.) C'est d'ailleurs ce que confirme l'alinéa 3 de l'article 1386-4 : Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. [...]
[...] Mais les difficultés qui surgissent alors ne sont pas spécifiquement liées aux dispositions issues de la directive. Le problème est celui de la caractérisation du lien de causalité lorsqu'il existe une incertitude scientifique sur la possibilité pour un produit d'un certain type de causer un dommage d'un certain type. B. Le défaut Il s'agit là d'un élément essentiel du nouveau régime de responsabilité. D'une certaine manière, c'en est même le cœur. Rappelons en effet que le producteur est responsable du dommage causé par le défaut de son produit. [...]
[...] dans le Code civil. Mais sur plusieurs points, les dispositions françaises s'écartaient de la directive, afin de renforcer la protection des victimes, celle accordée par la directive étant jugée trop faible par de nombreux juristes français. En particulier, alors que la directive canalise la responsabilité sur le producteur, la loi de 1998 prévoyait que la nouvelle responsabilité pesait sur tous les fournisseurs professionnels, producteurs ou non. Mais par une décision du 25 avril 2002, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a condamné la France pour mauvaise transposition de la directive. [...]
[...] Les produits visés ne sont pas nécessairement des produits manufacturés. Certes, la loi parle de producteur, mais il peut s'agir d'un producteur de matières premières (cf. article 1386-6, alinéa 1er). L'article 1386-3 précise d'ailleurs que sont inclus dans le champ d'application de la loi les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche. Cette inclusion n'était qu'optionnelle dans le texte de 1985, mais elle a été rendue obligatoire par une directive de 1999. En tout état de cause, la France avait choisi, ab initio, d'inclure ces produits dans le champ d'application du nouveau régime. [...]
[...] quelqu'un qui se coupe avec un couteau : le plus souvent, il s'agira d'une maladresse, voire d'un usage anormal du produit. Le producteur n'est responsable de la dangerosité anormale de son produit qu'en tant que celle-ci résulte d'un usage normalement prévisible du produit. Il ne répond pas des usages non raisonnablement prévisibles susceptibles de causer un dommage. Ex : il est raisonnablement prévisible qu'un jouet pour bambin va être porté à la bouche. Mais pas qu'une scie sauteuse va l'être. [...]
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