Mme Duvignères avait demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Celle-ci lui a été refusée au motif que ses ressources, parmi lesquelles se trouvait l'aide personnalisée au logement (APL), dépassaient le plafond conditionnant l'octroi de cette aide. Les conditions d'octroi de l'aide avaient été précisées dans un décret de 1991 et réaffirmées dans une circulaire de 1997 du Ministre de la Justice. Le décret, comme la circulaire, excluaient la prise en compte de l'allocation de logement familiale dans le calcul des ressources, mais intégraient en revanche l'APL dans le calcul.
Mme Duvignères demande alors au Ministre de la Justice l'abrogation du décret et de la circulaire au motif qu'ils n'excluaient pas l'APL des ressources à prendre en compte pour apprécier le droit à l'aide juridictionnelle. Le Ministre de la Justice ayant rejeté sa demande, Mme Duvignères demande alors à la section contentieuse du Conseil d'Etat, par la voie du recours pour excès de pouvoir, d'annuler la décision du Garde des Sceaux dans laquelle ce dernier avait refusé d'abroger le décret et la circulaire.
Le Conseil d'Etat, dans l'arrêt Duvignères, règle le régime contentieux des mesures – les circulaires - prises par les chefs de service à l'égard de leur administration, pour encadrer l'activité des bureaux. Ces mesures destinées aux subordonnés du chef de service, ne sont pas en principe créatrices de droits et de devoirs à l'égard des tiers, et ne font donc pas l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Cependant, il est arrivé que certaines de ces mesures créent ou rappellent des règles de droits. L'arrêt CE, 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker précise que cette catégorie de circulaires, les circulaires réglementaires, peuvent faire grief et faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, contrairement aux circulaires dites interprétatives, non créatrices de règles.
L'arrêt Duvignères, dans la même veine que l'arrêt Notre-Dame du Kreisker, apporte des précisions relatives au régime contentieux des circulaires. Deux axes principaux se dégagent de cet arrêt :
- une nouvelle typologie de circulaires fondée sur le caractère impératif de ces dernières ;
- une appréciation de la légalité des circulaires dans le prolongement de la jurisprudence Notre-Dame de Kreisker.
[...] Dans l'arrêt CE mai 1996, Fédération nationale des travaux publics, une circulaire a été qualifiée de non règlementaire alors même qu'elle prévoyait la prise en compte d'un critère additionnel relatif à l'attribution des marchés publics. D'après les auteurs de la circulaire, celle-ci n'aurait constitué qu'une simple déclaration d'intention ne créant pas un nouveau critère de choix. Ces décisions risquaient de conférer aux ministres la possibilité de s'attribuer par voie de circulaires un véritable pouvoir réglementaire. C'est pourquoi il semblait nécessaire de changer de typologie pour dépasser la distinction entre circulaires interprétatives et circulaires réglementaires, source d'ambiguïtés. [...]
[...] L'arrêt Notre-Dame du Kreisker distinguait deux types de circulaires : - les circulaires à caractère réglementaire, pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; - les circulaires à caractère non réglementaire, ne pouvant pas faire l'objet d'un REP. Mais le juge s'est trouvé confronté à certaines difficultés dans la mise en œuvre de cette distinction. Les circulaires interprétatives et les circulaires règlementaires Les circulaires interprétatives Les circulaires interprétatives recouvrent, d'après la jurisprudence Notre-Dame du Kreisker, des circulaires qui : - commentent un texte ; - rappellent une solution ; - ou recommandent un certain comportement sans l'exiger pour autant. [...]
[...] Cette jurisprudence a ainsi laissé subsister certaines circulaires, qui bien qu'étant interprétatives, étaient illégales. L'arrêt Mme Duvignères introduit une nouvelle rupture puisqu'elle admet qu'une circulaire impérative, créatrice de droits ou pas, réitérant une règle illégale peut être à la fois attaquée et annulée. Le Conseil d'Etat annule ainsi le refus d'abroger le décret en tant qu'in inclut l'APL dans les ressources à prendre en compte pour l'octroi de l'aide juridictionnelle, ainsi que la circulaire car elle réitère ( ) au moyen de dispositions impératives à caractère général, la règle qu'a illégalement fixée cette disposition. [...]
[...] CE décembre 2002, Mme Duvignères Mme Duvignères avait demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Celle-ci lui a été refusée au motif que ses ressources, parmi lesquelles se trouvait l'aide personnalisée au logement dépassaient le plafond conditionnant l'octroi de cette aide. Les conditions d'octroi de l'aide avaient été précisées dans un décret de 1991 et réaffirmées dans une circulaire de 1997 du Ministre de la Justice. Le décret, comme la circulaire, excluaient la prise en compte de l'allocation de logement familiale dans le calcul des ressources, mais intégraient en revanche l'APL dans le calcul. [...]
[...] C'est le cas de la circulaire du Ministre de la Justice, contestée par Mme Duvignères, qui au moyen de dispositions à caractère général inclut l'APL dans les ressources à prendre en compte pour l'examen des demandes d'aide juridictionnelle. Le caractère impératif ne s'applique pas uniquement aux circulaires créatrices de droit ou règlementaires mais également aux circulaires interprétatives qui commandent une application. L'arrêt Mme Duvignères admet donc que des circulaires interprétatives, qui ne font que réitérer une règle de droit, peuvent être doté d'un caractère impératif si elles créent des obligations, et peuvent donc faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. [...]
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