La summa divisio en matière de biens, opposant les meubles aux immeubles, a parfois tendance à être remise en cause. Il est des cas où le droit confère à un bien une nature juridique différente de sa nature physique, se fondant sur la destination du bien en question. Par un arrêt de cassation du 26 juin 1991, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a eu à statuer sur la nature mobilière ou immobilière de vérandas.
En l'espèce, les époux Pelloux avaient conclu avec la société UFITH un contrat de location-vente leur accordant un prêt pour le financement de la construction de trois vérandas sur leur immeuble, moyennant une redevance mensuelle. Insatisfaits de l'installation en cours des vérandas, les époux assignent la société et demandent l'annulation du contrat et le remboursement des mensualités versées.
La question posée à la Cour de cassation était alors celle de savoir si la clause de réserve de propriété contenue dans le contrat de location-vente ayant pour objet la construction de vérandas dans un immeuble permettait de considérer que les vérandas conservaient leur nature mobilière jusqu'au versement de la dernière mensualité, après quoi seulement elles deviendraient immeubles par destination. Autrement dit, la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si, en dehors de la loi, une convention pouvait décider de la nature mobilière ou immobilière d'un bien.
[...] Dans ces hypothèses, elle admettait que la mobilisation conventionnelle puisse être implicite, dès lors que la destination voulue par les parties était incompatible avec la qualification immobilière. De ce fait, bien que le critère physique serve de référence, il n'y a nul doute sur le fait qu'il perd de l'importance dès lors qu'il est combiné avec la volonté des parties quant à la détermination de la nature des biens. Il est d'ailleurs incontestable que la volonté des parties a toujours une certaine incidence en matière de qualification de biens. [...]
[...] La solution proposée semble constituer un revirement de jurisprudence en ce qu'elle ne laisse plus la place à la volonté des parties dans la détermination de la nature d'un bien, mais cette solution semble pourtant peu satisfaisante. Ainsi, puisque les parties se sont entendues sur une certaine qualification, il semble logique de respecter celle-ci, et l'arrêt de la Cour de cassation peut alors sembler ici inapproprié. B. L'intérêt de la convention conclue entre les parties dans la détermination de la nature des vérandas Les parties ont conclu un contrat de location-vente concernant la construction par une société de vérandas sur un immeuble, contenant une clause de réserve de propriété au terme de laquelle les propriétaires de l'immeuble ne deviendraient propriétaires des vérandas qu'après versement de la dernière mensualité du prêt. [...]
[...] En refusant la nature mobilière des vérandas, la Cour de cassation dénature ici la convention des parties, et prive d'effet la clause de transfert de propriété, qui entendait différer jusqu'au paiement intégral l'immobilisation par destination des vérandas. Ainsi, en appliquant uniquement le critère physique de la summa divisio, la Cour de cassation entend non seulement ne pas tenir compte de l'intention des parties concernant la qualification des biens, mais de surcroît, ne pas tenir compte de certains aspects de la convention conclue entre les époux Pelloux et la société. [...]
[...] Ainsi, il semble que la construction des vérandas n'était pas arrivée à son terme, et que celles-ci n'étaient pas définitivement fixées à l'immeuble en question. Elles semblaient donc être dans la situation de matériaux assemblés en vue d'une construction. Or, ces éléments sont légalement qualifiés de meubles, puisque l'article 532 du Code civil énonce à cet égard que Les matériaux ( . ) assemblés pour en construire un nouveau sont meubles ( . ) Ainsi, il semble que la qualification d'immeuble pour ces vérandas soit erronée. [...]
[...] En effet, la Cour se borne à énoncer un principe relativement général, mais elle ne prend pas le soin de qualifier la nature mobilière ou immobilière des vérandas. B. L'absence de qualification mobilière ou immobilière des vérandas par la Cour On aurait pu attendre de la Cour de cassation que, ayant posé son principe, elle l'applique en l'espèce et indique la nature mobilière ou immobilière des vérandas. Cependant, celle-ci n'a pas entendu se prononcer sur le sujet. Ainsi, elle part du principe qu'un bien ne peut être qualifié de meuble ou d'immeuble qu'en application de la loi, et donc de la summa divisio du Code civil. [...]
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