La brièveté et le caractère abstrait de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil ont soulevé depuis sa création de nombreuses questions et ont fait l'objet d'abondantes interprétations et évolutions jurisprudentielles. La dernière en date fut celle de la clarification de la condition d'anormalité nécessaire pour engager la responsabilité du gardien de la chose. Cette question a été tranchée par la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 24 février 2005.
Il était question d'une société en charge d'activités nautiques de voile dont les moniteurs avaient installé au bord d'un étang sur une plage un tremplin destiné à permettre à ses utilisateurs d'effectuer des sauts dans l'eau à vélo tout-terrain. Une personne qui connaissait les lieux, et donc était informée du peu de profondeur de l'eau à cet endroit à utiliser le tremplin pour plonger (sans VTT), et par conséquent s'est blessée. Suite à cet accident, elle a assigné, avec ses parents, ses soeurs et son frère la société qui avait installé le tremplin, en réparation.
En première instance, leur demande est rejetée. Ils interjettent appel, et la cour d'appel débouta la victime et ses proches de leur demande d'indemnisation. Ces derniers forment alors un pourvoi en cassation.
[...] Même si cette formule de par sa position pouvait être sujette à controverse, la volonté de la Cour de Cassation d'abandonner la preuve du rôle actif de la chose dans la réalisation du dommage était bien marquée comme le prouve un arrêt du 18 septembre 2003 relatif à une personne qui s'était blessé sur un plot en ciment rouge qui ne constituait pas selon la cour d'appel ni un obstacle ni un danger particulier pour les piétons. La Cour de Cassation se positionna donc dans un courant d'objectivation de la responsabilité civile dans le but d'aboutir le plus possible à l'indemnisation de la victime. Mais cela a entraîné un excès de responsabilité du gardien de la chose. [...]
[...] L'expression utilisée par la Cour de Cassation depuis 1980, et encore en 2005 lorsqu'elle précise en l'état de ces constatations et énonciations établissant l'absence anormalité de la chose, la cour d'appel a exactement déduit que le tremplin n'avait pas été l'instrument du dommage peut entraîner une confusion et n'institue pas aussi clairement que l'ancienne distinction la nécessité d'un rôle actif de la chose dans la réalisation du dommage. Toutefois, la Haute Juridiction est bien claire sur l'interprétation qu'il faut donner à cette notion, à savoir qu'elle correspond à l'anormalité de la chose. Par sa décision, elle confirme donc le maintien de la condition d'anormalité pour que la responsabilité du gardien de la chose soit engagée, anormalité pouvant résulter de l'état ou de la position la chose. [...]
[...] Le tremplin était donc bien considéré comme tel, que celui-ci soit dangereux ou non, vicié ou non, meubles ou immeubles, actionnée par la main de l'homme ou pas. La première condition posée par l'article 1384 alinéa 1 du Code civil était donc bien remplie. Pour que la responsabilité de son gardien soit engagée, la simple nature de l'objet ne suffisait pas. Il fallait certes qu'il s'agisse d'une chose, mais un lien entre celle-ci et la réalisation du dommage devait être prouvé. Dans cet arrêt du 24 février 2005, le dommage était évident. [...]
[...] Autrement dit, la faute n'est plus une condition nécessaire. L'application de l'article 1384 alinéas 1 du Code civil fut donc étendue à toute chose inanimée ayant contribué à la réalisation du dommage. Cependant, alors que dans cet arrêt la distinction entre chose comportant un vice ou non avait été instituée, la Cour de Cassation a étendu et clarifié les conditions concernant la nature de la chose pour la première fois dans un arrêt de 1920 dit arrêt de la gare de Bordeaux», en précisant que le dommage ne devait pas nécessairement venir d'une chose atteinte d'un vice interne. [...]
[...] On peut se demander si celle-ci aurait pu être responsable si le tremplin avait comporté un caractère d'anormalité ? Certes, elle était la propriétaire de la chose, mais celle-ci avait été utilisée par les moniteurs dans le cadre de leurs fonctions. La victime avait d'ailleurs invoqué le fait que la cour d'appel avait fondé exclusivement sa décision sur le lien de garde et non sur le lien de subordination. Qui de la société ou de ses préposés auraient pu être tenu responsable ? [...]
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