L'arrêt rendu par la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation le 6 juin 2002 retient une solution marquante en matière de responsabilité du fait des choses. Un mineur placé, par décision de justice, dans une association pour adolescents en difficultés a, lors d'un week-end chez ses parents, mis le feu à un fonds de commerce. Après la condamnation pénale du mineur, la victime se place sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle. La propriétaire du fonds et son assureur ont en effet demandé réparation du préjudice à l'association ayant en charge le mineur, ainsi qu'à son assurance, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil relatif à la responsabilité du fait d'autrui. La Cour d'appel de Rouen a, dans un arrêt du 15 mars 2000, débouté la demanderesse au motif que le mineur étant à ce moment là en séjour régulier et autorisé chez ses parents, l'association n'en avait pas la garde et ne pouvait donc être déclarée responsable. La propriétaire du fonds a formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation était donc amenée à se prononcer sur la question suivante : l'association chargée d'une mission éducative d'un mineur par décision de justice cesse-t-elle d'être responsable du fait de celui-ci lorsqu'il est en séjour régulier et autorisé chez ses parents
[...] Une responsabilité entière de l'association L'arrêt Blieck ayant laissé en suspend la question du régime juridique de la responsabilité du fait d'autrui (notamment si la responsabilité pour fait d'autrui était une responsabilité pour faute ou de plein droit), la Cour de cassation a affirmé la responsabilité de plein droit plusieurs années après. Cette responsabilité a été dégagée par l'important arrêt de la Chambre criminelle du 26 mars 1997 précité dans lequel elle a clairement évacué l'idée de faute comme fondement de cette responsabilité et opté pour un régime de responsabilité de plein droit. [...]
[...] Comme l'a souligné Monsieur Fossier, la 2ème Chambre civile est très attachée à la notion d'organisation et de contrôle permanent du mode de vie (Cass. 2ème Civ déc. 1999). En effet, la longévité de l'effort éducatif institutionnel est plus significative d'une responsabilité qu' une hypothétique reprise en main parentale du week-end Cette solution paraît pourtant assez critiquable. II. Appréciation critique A. Vers une déresponsabilisation des parents ? Par cet arrêt, la 2ème Chambre civile écarte totalement la responsabilité des parents. [...]
[...] On peut considérer que l'enfant ne cohabitait pas avec ses parents, quand bien même, la Cour de cassation précise dans son attendu de principe que association ( ) demeure ( ) responsable de plein droit du fait dommageable commis par ce mineur, même lorsque celui-ci habite avec ses parents ( ) Mais la dernière condition pour engager la responsabilité des parents manquait : ils ont été déchus de l'autorité parentale par décision de justice. En raisonnant ainsi, la victime se serait retrouvée sans indemnisation car aucun gardien n'aurait pu être désigné. Cela paraîtrait choquant, d'autant plus que la Cour de cassation se place depuis plusieurs années dans une logique d'indemnisation à tout prix dans les cas de responsabilité délictuelle. La 2ème Chambre civile a voulu marquer solennellement cette nouvelle jurisprudence. [...]
[...] On peut imaginer que ces conditions (horaires, séjour régulier et autorisé) soient intégrées à la décision de justice confiant l'enfant à l'association. Cette solution serait un compromis entre une déresponsabilisation totale des parents et la lourde charge pesant sur les associations. De plus, il est à craindre une hausse relativement importante du coût des assurances pour les associations. [...]
[...] Or, la Cour de cassation semble préférer une sorte de règle de parallélisme des formes, en admettant une responsabilité des parents enfermée dans des règles strictes. En effet, ceux-ci ne peuvent être responsables du fait de leur enfant tant qu'une décision de justice ne suspend pas la responsabilité de l'association. La 2ème Chambre civile a pendant longtemps considéré la notion de garde comme un pouvoir effectif sur l'individu. Par un arrêt du 9 décembre 1999, elle s'est ralliée à la position de la Chambre criminelle qui considérait la garde comme un pouvoir juridique. [...]
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