Le problème des « enfants Distilbène » est connu du grand public. En effet, de nombreuses femmes enceintes ont pris, dans les années 50, 60 et 70, une hormone de synthèse pour réduire les risques de grossesse nommée Distilbène. Leurs filles souffrent désormais de malformations utérines, de grossesses à risques voire même de cancers.
Les victimes se sont logiquement retournées contre les laboratoires qui avaient fabriqué et commercialisé ces produits pour obtenir réparation de leur préjudice. Une série d'arrêts avait déjà été rendue par la Cour de cassation en 2006. Les magistrats avaient ainsi décidé que le laboratoire connaissait l'existence de doute sur l'usage du Distilbène (cancers apparus sur des femmes américaines, études expérimentales défavorables, etc.) et que, « devant ces risques connus et identifiés sur le plan scientifique, n'avait pris aucune mesure, ce qu'[il] aurait dû faire même en présence de résultats discordants quant aux avantages et inconvénients ». Le laboratoire avait par conséquent « manqué à son obligation de vigilance » (Civ1ère, 7 mars 2006, nº04-16.179 et 04-16.180). Les arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 24 septembre 2009 (nº08-10.081 et 08-16.305) viennent prolonger cette jurisprudence en y apportant quelques précisions.
[...] La Cour de cassation a ainsi estimé que le DES avait bien été la cause directe de la pathologie tumorale, partant que [la victime] avait été exposée in utero à la molécule litigieuse, de sorte qu'il appartenait alors à chacun des laboratoires de prouver que son produit n'était pas à l'origine du dommage. Les juges se sont basés sur la notion juridique de faute collective. Le produit a nécessairement été fabriqué par un des deux principaux fabricants français de l'époque (UCB Pharma et Novartis pour ne pas les citer) et il leur sera désormais nécessaire de démontrer que leur produit n'a pas était à l'époque pris par les victimes. [...]
[...] Dans le second arrêt (nº08- 16.305 les magistrats de la Haute Juridiction ont dû se poser dans un second temps la question de savoir s'il appartenait à la victime de démontrer quel laboratoire a été le fabricant du médicament litigieux. Ils ont répondu à cette interrogation en favorisant la victime dès lors qu'il est établi que le Distilbène est la cause directe de la pathologie. Les femmes exposées in utero au Distilbène et atteintes d'un cancer n'ont pas à démontrer la marque du médicament utilisé. [...]
[...] Dans le premier arrêt (nº08- 10.081 la question que les juges de la Cour de cassation ont eu à se poser dans cette première affaire est de savoir si la charge de la preuve de l'administration in utero du Distilbène incombe à la victime. Les juges ont estimé que la charge de la preuve pesait sur la victime et qu'en l'espèce, la Cour d'appel a un pouvoir d'appréciation souverain en la matière (appréciation de la portée et de la valeur des preuves apportées.) La première chambre civile rejette donc ce premier pourvoi et confirme ainsi la décision de la Cour d'appel selon laquelle il appartient à la demanderesse de prouver qu'elle avait été exposée in utero au médicament litigieux dès lors qu'il n'est pas établi que ledit médicament est la seule cause de la maladie dont elle souffre. [...]
[...] Les juges de la première chambre civile ont estimé qu'il appartenait à [la victime] de prouver qu'elle avait été exposée au médicament litigieux dès lors qu'il n'était pas établi que le diéthylstimbestrol était la seule cause possible de la pathologie dont elle souffrait La cour d'appel a constaté qu'elle ne rapportait pas une telle preuve et la Cour de cassation, juge du droit et non-juge des faits ne peut pas revenir sur le fond du dossier. Le rejet du pourvoi était donc inévitable, sauf à décharger la victime de la preuve du lien de causalité entre le Distilbène et les pathologies. [...]
[...] Il sera par conséquent pertinent de voir dans la charge de la preuve de l'exposition in utero des victimes et dans un second temps la charge de la preuve de la marque du produit en cause (II). I La charge de la preuve de l'exposition in utero des victimes Les magistrats de la Cour de cassation n'ont pas déchargé les victimes de tout devoir en matière de preuve Ils ont d'ailleurs affirmé le pouvoir souverain des juges du fond quant à l'appréciation de la preuve A Les victimes non dénuées de toute charge La responsabilité des fabricants de médicaments doit être recherchée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. [...]
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