En l'espèce, il s'agit de deux femmes dont les mères avaient pris pendant leur grossesse ce médicament appelé le distilbène ce qui aurait provoqué dans les deux cas un adénocarcinome. Seule une différence sépare les deux espèces : dans un cas la femme est née avant 1971 et dans l'autre cas la femme est née après 1971. Or en 1971 une étude a révélé officiellement l'existence d'un risque en prenant le distilbène. Ces deux femmes ont donc, dans deux pourvois différents, assigné en responsabilité le laboratoire producteur du médicament.
La Cour d'appel de Versailles, dans deux arrêts rendus le 30 avril 2004, a retenu la responsabilité du laboratoire au motif que le laboratoire avait manqué à son obligation de vigilance en n'informant pas les consommateurs du risque certain dans un cas ou probable dans l'autre cas de provocation d'un adénocarcinome. Par conséquent, le laboratoire se pourvoit en cassation. Le problème de droit alors posé aux juges de la Cour de cassation est de savoir si une obligation de vigilance pèse sur les laboratoires pharmaceutiques.
[...] La volonté du juge de dédommager les victimes du distilbène Cette décision marque en effet la réelle volonté des juges d'indemniser les victimes du distilbène qui se comptent par milliers. Mais ce raisonnement téléologique du juge s'est fait au prix d'une création jurisprudentielle et d'une recevabilité du recours discutable. Tout d'abord concernant l'usage par le juge de son pouvoir prétorien. En effet, dans le cas où la femme est née après 1971, la décision n'est pas critiquable dans le sens où les risques étaient connus et donc certains car une étude les avait publiés. Par conséquent, la responsabilité civile du laboratoire était engagée de manière certaine. [...]
[...] La limite de cette décision : une indemnisation pas encore garantie La volonté des juges de la Cour de cassation d'indemniser les victimes ne semble pas être la volonté des juges des Cours d'appel qui statuent actuellement sur l'indemnisation des victimes. En effet, le distilbène a été vendu par deux sociétés différentes. Or les faits datent pour la plupart de 30 ou 40 ans et peu de mères ont conservé les ordonnances ou les boîtes de médicament afin de prouver de quelle société provenait le distilbène qu'elles ont consommé. [...]
[...] Ensuite, concernant le lien de causalité entre la faute et le préjudice. En effet, en l'absence d'un lien de causalité prouvé entre la faute et le préjudice, la responsabilité de l'auteur de la faute ne peut pas être engagée. En l'espèce, la faute du laboratoire a été de ne pas être vigilant quant aux risques encourus avec la prise du distilbène. Effectivement, le laboratoire aurait donc dû tenir compte des études menées en France et à l'étranger montrant les risques probables (dans un cas) et certains (dans l'autre cas) et informer les consommateurs de ce médicament. [...]
[...] Afin de confirmer les arrêts de la Cour d'appel et de condamner le laboratoire, la Cour de cassation s'appuie sur le régime commun de la responsabilité du fait des produits défectueux. En effet, la responsabilité du laboratoire du fait du médicament défectueux est engagée Cette décision des juges de la Cour de cassation s'inscrit dans la politique d'indemnisation des victimes (II). I. L'application du régime commun de la responsabilité civile : la responsabilité d'un laboratoire du fait d'un médicament défectueux A. [...]
[...] En revanche, dans les pays étrangers où des affaires similaires se sont produites suite à la consommation de distilbène, la responsabilité a été engagée en fonction des parts de marchés de chaque laboratoire (il en est ainsi aux Pays Bas et aux Etats-Unis par exemple). Mais appliquée en France, cette jurisprudence signifierait que chaque laboratoire devrait engager sa responsabilité pour moitié pour toutes les personnes touchées. Or le distilbène touché des milliers voire des centaines de milliers de personnes et par conséquent, les sommes en jeu sont considérables. Il est fort probable que les victimes se pourvoient en cassation mais en tout cas, à l'heure actuelle, leur indemnisation est loin d'être garantie. [...]
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