L'appréciation de l'intérêt légitime d'une demande de changement de prénom conformément à l'article 60 du Code civil doit se faire en fonction des éléments existants au moment où le juge statue. Le nouvel article 60 du Code civil reprend pour l'essentiel les dispositions du troisième alinéa de l'ancien 57 (les différences sont principalement d'ordre procédural), sous l'empire duquel a été jugé l'arrêt étudié.
Dans les faits, M. Karabaghli né en 1918 en Algérie, de nationalité française et de confession musulmane, a reçu à sa naissance le prénom de Mourad. Le 23 juin 1976, un jugement l'a autorisé à substituer à son prénom de naissance le nouveau prénom de Marcel-Paul, afin de lui permettre une meilleure intégration au sein de la communauté française. Cependant, le 16 janvier 1987, M. Karabaghli présente une nouvelle requête pour être autorisé à reprendre son prénom de naissance, expliquant que son prénom chrétien est pour lui un obstacle à la pratique de sa religion, lui interdisant le pèlerinage à La Mecque.
[...] Admettre le jugement de la cour d'appel reviendrait à méconnaitre la jurisprudence de la Cour de cassation qui en matière de noms et de prénoms considère que l'intérêt légitime peut évoluer avec le temps et qu'il doit être apprécié au moment où le juge statue, de sorte qu'une première décision ne fait pas obstacle à un nouveau changement. En effet, l'arrêt rendu le 26 septembre par la cour d'appel de Paris fait une application très fidèle à ce principe. En espèce, Marie-Christine Angèle Bellec s'était convertie au judaïsme en 1979 à l'époque de son mariage avec M. Hassan. [...]
[...] La laïcité du droit conduit le juge à admettre les convictions religieuses comme un fait et n'a pas à discuter leur sincérité. Il n'a pas la compétence de contrôler la validité ou la sincérité d'un intérêt religieux allégué pour changer de prénom. S'il en était autrement, cela l'amènerait à statuer dans une matière qui n'est pas de sa compétence et reviendrait à faire prévaloir le commandement religieux sur la règle de droit. Il s'agit donc d'une matière périlleuse propice aux confusions. [...]
[...] La décision de la Cour de Cassation : la présence effective d'un intérêt légitime Il est néanmoins clairement énoncé dans l'article 60 du Code Civil et il est de jurisprudence constante que les convictions religieuses sont de nature à justifier un intérêt légitime pour une demande de changement de prénom. Les juges se montrent généralement favorables aux requêtes de changement de prénom invoquant un intérêt religieux, les principes de libre manifestation du culte religieux énoncé dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 aout 1789 et de laïcité n'interdisant en aucun cas à un français de porter un prénom musulman. Il est donc de l'intérêt légitime de M. [...]
[...] La juge aux affaires familiales avait dans un premier temps rejeté la demande de Marie-Christine Angèle Bellec mais la cour d'appel de Paris lui a accordé en se fondant sur la jurisprudence, favorable au changement de prénom justifié par un intérêt religieux. Cet arrêt nous permet de conclure que la pratique religieuse est tout à fait de nature à justifier un intérêt certes réel mais aussi légitime. En outre, il vient confirmer l'attendu de principe cité au début de l'arrêt : L'intérêt légitime doit être apprécié en fonction des éléments existants au moment où le juge statue rendant possible l'évolution d'un intérêt légitime dans le temps. [...]
[...] Ainsi, il est une chose d'autoriser le changement de prénom pour des raisons d'identification à une communauté ou de statut personnel, mais il est en une autre de l'autoriser pour des raisons religieuses propres à une communauté, surtout lorsqu'il est question de la communauté musulmane où droit et religion sont confondus. Ainsi, cet arrêt fait part d'une décision de la Cour de Cassation favorable au changement de prénom justifié d'un intérêt religieux reconnu légitime, en dépit d'une première décision dont la demande se justifiait d'un intérêt contraire. Le juge aux affaires familiales doit donc en conséquence fonder sa décision uniquement sur la présence ou non d'un intérêt légitime lors d'une demande de changement de prénom. [...]
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