La cour de cassation dans deux arrêts, le premier étant de la première chambre civile en date du 23 mai 2006, le second de la chambre commerciale du 31 octobre 2006, a eu à connaître d'une question processuelle relative au principe directeur de l'instance qu'est le principe du contradictoire.
Il s'agissait pour la première espèce, d'un divorce déclaré aux torts exclusifs de l'épouse les juges ayant écarté des débats judiciaires les conclusions qu'elle avait déposées le 26 février 2004. Dans la seconde espèce, une société financière avait accepté de soutenir financièrement une autre, mais la première s'est rétractée brutalement, avant le délai de préavis et en dépit d'une convention de cession de créances professionnelles souscrite le même jour entre les parties, et a refusé le versement de quatre chèques en raison du dépassement du montant du découvert autorisé. La deuxième société assigne en responsabilité la première. Les faits des deux espèces n'ont a priori rien en commun. Cependant, dans la procédure, les deux cours d'appel la première de Poitiers dans un arrêt du 19 mai 2004 et la seconde d'Aix-en-Provence dans un arrêt du 2 juillet 2004 ont refusé les conclusions déposées par une partie, la première les ayant déposées 14 jours avant la clôture des débats la seconde le jour de la clôture des débats.
Dans les deux cas la partie dont les pièces ont été rejetées forme un pourvoi en cassation et dans les deux espèces, la cour de cassation n'accueille pas leur demande. Les parties allèguent comme moyen pour se défendre le fait que les pièces doivent être acceptées quelque soit leur contenu. Que la cour n'a pas vérifié si les conclusions devaient faire l'objet d'une réponse de la partie. Et elle n'a pas justifié en quoi les conclusions empêchaient l'autre partie de répondre. Elle n'a pas non plus vérifié si les pièces n'avaient pas déjà été déposées, c'est-à-dire qu'il s'agissait de conclusions récapitulatives. De plus, le fait de refuser des conclusions prive la partie d'un droit à un procès équitable, en outre la date de la clôture n'est pas fixée et n'est pas prévisible, c'est une incertitude contraire à l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui impose le droit à un procès équitable.
[...] Le rejet des pièces hors du débat doit être encadré par une justification, c'est-à- dire que doivent être caractérisées les circonstances particulières qui auraient empêché le respect du principe de la contradiction. Le juge interprète souverainement le dépôt tardif, mais il doit justifier le refus, la jurisprudence est constante sur ce point, comme dans les arrêts de la chambre commerciale du 28 septembre 2004, et la première chambre civile du 4 janvier 2005. La faculté prétorienne est donc étroitement surveillée, néanmoins, dans les deux arrêts la cour de cassation qui se fonde uniquement sur les constations de la cour d'appel, ne vérifie donc pas s'il y a eu justification de la part de celle-ci, si elle a caractérisé les circonstances particulières qui auraient empêché d'instaurer un débat contradictoire. [...]
[...] Dans les deux cas, la partie dont les pièces ont été rejetées forme un pourvoi en cassation et dans les deux espèces, la Cour de cassation n'accueille pas leur demande. Les parties allèguent comme moyen pour se défendre le fait que les pièces doivent être acceptées quel que soit leur contenu. Que la cour n'a pas vérifié si les conclusions devaient faire l'objet d'une réponse de la partie. Et elle n'a pas justifié en quoi les conclusions empêchaient l'autre partie de répondre. [...]
[...] La cour de cassation répond à ces moyens qu'il résulte des constatations souveraines de l'arrêt que les conclusions n'avaient pas été déposées en temps utile au sens de l'article 15 du code de procédure civile. La question qui s'est posée dans ces deux espèces à la Cour de cassation était de savoir si les parties peuvent déposer des conclusions dans un délai proche de la clôture des débats, voire le jour même de la clôture des débats, et si elles ne le peuvent pas, dans quelle mesure le juge peut les refuser ? [...]
[...] En bref, dans ces arrêts, la Cour de cassation considère qu'il n'y a pas d'incertitude quant à savoir si les conclusions doivent être soumises à la contradiction puisqu'elles doivent l'être selon le principe même du contradictoire. La cour ne considère pas non plus qu'il y ait incertitude quant à la notion de temps utile, elle résulte certes de l'appréciation de juges du fond et relève du deuxième moyen soulevé par les parties, mais les conclusions doivent être déposées en temps utile, la notion est très relative et risque de dépendre de l'appréciation relative des juges du fond. [...]
[...] En effet, la solution a été posée dans un arrêt de la cour de cassation réunie en une chambre mixte le 3 février 2006 “attendu qu'il résulte des constations souveraines de l'arrêt que les pièces n'avaient pas été communiquées en temps utile au sens des articles 15 et 135 du nouveau code de procédure civile”. La décision rendue un peu plus tôt par une chambre mixte pose un principe clair en changeant de motivation, cette solution est advenue dans le but de limiter les pourvois en cassation fondés sur la méconnaissance du principe de la contradiction. [...]
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