L'universalité définie comme « un ensemble de biens constitutifs d'un bien ayant une existence autonome, distincte de chacun des biens qui la compose » (F. Zénati et Th. Revet, Les biens, PUF), est la notion centrale autour de laquelle gravitent ces arrêts.
Dans les deux premiers arrêts, celui du 12 novembre 1998 et celui du 3 décembre 2002, les faits sont identiques et la solution importante : un portefeuille de valeurs mobilières est une universalité. Cela emporte des conséquences sur le régime.
En l'espèce, une épouse avait acquis la qualité de légataire de l'usufruit sur l'universalité des biens (portefeuille de valeurs mobilières) de la succession de son défunt mari. La nue-propriété indivise était revenue à ses enfants. La composition de ce portefeuille a été modifiée durant le démembrement et l'un des héritiers a souhaité obtenir de l'usufruitière la communication des mouvements enregistrés sur le portefeuille afin d'en connaitre la consistance.
Dans le troisième arrêt, en date du 7 juin 2006 (rendu après une première cassation, Cass. 1e civ, 6 juillet 2000), il est en l'espèce question d'un legs de residuo ayant été adressé par le testateur, d'abord à sa femme (premier légataire), mère de deux enfants issus d'une précédente union, à charge pour elle de transmettre ensuite ce legs à l'un de ses petits-fils (second légataire). Ce legs comprenait des valeurs mobilières, que le premier légataire avait fait réaliser pour en placer le produit sur un compte ouvert chez un notaire. A la mort de l'épouse survint un litige, entre le légataire de residuum et un des héritiers de la défunte (oncle), aux fins de déterminer le véritable bénéficiaire.
La question que l'on pourrait se poser en l'espèce est celle de savoir si l'usufruitier ou le premier légataire, d'un portefeuille de valeurs mobilières peut, par des actes d'arbitrage, en modifier la composition ?
[...] Les juges du fond de la Cour d'appel de renvoi (Montpellier novembre 2003) donnèrent raison au second légataire et la haute Cour confirma cet arrêt en considérant qu'«en procédant à leur réalisation et en conservant les fonds sur un compte succession, le premier légataire n'avait pas effectué un acte de disposition quant à ces valeurs, mais une simple opération de gestion» et rajoute que ces biens n'ont fait l'objet d'aucun transfert de propriété car l'épouse n'en avait pas disposé. La question que l'on pourrait se poser en l'espèce est celle de savoir si l'usufruitier ou le premier légataire, d'un portefeuille de valeurs mobilières peut, par des actes d'arbitrage, en modifier la composition ? La Cour de cassation va, dans un premier temps, décider que l'usufruitier ou le premier légataire, en leur qualité de gérant du portefeuille d'actions peuvent céder des titres dans la mesure où ils sont remplacés et la substance du portefeuille conservée (II). [...]
[...] Des conséquences pratiques importantes Dans les arrêts de 1998 et 2003, les cours a retenu que cette remise à titre précaire ne suppose pas que celui qui a reçu l'universalité en devienne propriétaire. Dorénavant, le mécanisme de l'usufruit semble être modifié par ces jurisprudences. En effet, l'équilibre entre le nu-propriétaire et l'usufruitier est bel et bien modifié : étant investi de prérogatives importantes et spéciales, il récolte néanmoins du devoir d'informer, voire de collaborer avec le nu-propriétaire. La Cour encourage donc la collaboration entre les deux protagonistes du mécanisme de l'usufruit, aux fins d'une meilleure gestion avantageuse envers les bénéficiaires. [...]
[...] Le parallèle avec l'arrêt de 2006 est possible, en ce sens que le premier légataire est également considéré comme un administrateur, du fait que l'universalité n'a subi aucun transfert de propriété. C'est donc dans une optique de protection du nu-propriétaire, passif et en attente, que s'organise cette obligation d'information, en prise en considération de l'universalité. Dans l'arrêt de 2006, en revanche la Cour reconnait une liberté de gestion de l'universalité du premier légataire. En l'espèce, les devoirs du premier légataire se résument, selon les règles régissant le legs residuo, à ce qu'il remette le residuum, s'il n'en a pas entièrement disposé, au second légataire. [...]
[...] L'universalité de fait, selon l'expression du Doyen Carbonnier est une collection de biens qui, par interprétation de la volonté du propriétaire, est traitée comme un bien unique Cependant, la cour de cassation semble aller plus loin en mettant de côté l'intention du premier légataire (dans l'arrêt de 2006), en considérant tout simplement que le portefeuille de valeurs mobilières constitue une universalité de fait, ensemble homogène et permanent, distinct des éléments qui le composent et soumis à un régime juridique unique. L'universalité implique donc que l'ensemble prime sur les ensembles qui la composent. La cour par cet obiter dictum donne à sa décision valeur de principe. Concernant l'arrêt de 2006, il avait déjà été jugé que le legs de residuo peut concerner un portefeuille de titres (Cass 1e civ juin 1993). [...]
[...] Au-delà de la révolution qu'a déclenchée la première Chambre civile en déclarant qu'un portefeuille de valeurs mobilières constitue une universalité, un régime nouveau de l'usufruit peut en être déduit. Ce dernier comprenant un devoir d'information de la part de l'usufruitier, pure création prétorienne. II- Un régime induit : la collaboration des parties au démembrement Les décisions en l'espèce ont un impact aussi bien en pratique, au quotidien que pour les temps à venir Le devoir d'information La Haute Magistrature semble consacrer, un devoir dans les arrêts de 1998 et 2002 : le devoir d'information et de collaboration active de l'usufruitier et du nu-propriétaire. [...]
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