« Le rétablissement de la légalité bafouée, visé par la nullité, est indifférent aux circonstances particulières », affirme madame Catherine Guelfucci-Thibierge dans sa thèse Nullité, restitutions et responsabilité. L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 12 juillet 1989 offre à la Cour de cassation l'occasion de se prononcer sur les conditions de la nullité d'un contrat pour cause illicite. Un parapsychologue vend à un collègue des ouvrages et du matériel d'occultisme. Le vendeur assigne l'acquéreur en paiement. Dans un arrêt en date du 24 novembre 1987, la Cour d'appel de Paris rejette sa demande et annule le contrat. Il forme alors un pourvoi en cassation. La première chambre civile rend un arrêt le 12 juillet 1989.
Le pourvoi fait grief à la Cour d'appel d'avoir annulé le contrat de vente pour cause illicite. Il soutient que la cause du contrat ne réside pas dans l'utilisation que compte faire l'acquéreur de la chose vendue mais dans le transfert de propriété de cette chose, qui ne peut être illicite. En outre il affirme qu'il n'avait pas connaissance du mobile illicite déterminant pour l'acquéreur, condition nécessaire pour prononcer l'annulation d'un contrat pour cause illicite.
Il s'agit pour la Cour de cassation de déterminer si un contrat de vente concourant à la pratique d'une activité illégale, entre praticiens, peut être frappé de nullité pour cause illicite.
[...] La Cour de cassation examine la cause du contrat. Cette prise en compte des causes subjectives aux parties a été réaffirmée à plusieurs reprises depuis cet arrêt, par exemple par la première chambre civile le 1er octobre 1996. Cette position est compréhensible. En effet, la cause de l'obligation étant toujours la même pour un même type de contrat, elle peut difficilement s'avérer illicite. L'étude de la cause de l'obligation permet de contrôler l'existence d'une cause. En revanche, la cause de l'obligation peut difficilement s'avérer illicite, puisqu'elle est toujours la même pour un même type de contrat donné. [...]
[...] Le juge doit-il, pour se prononcer sur la licéité de la cause du contrat, étudier la cause des obligations nées du contrat, qui sont les mêmes pour tous les contrats d'un même type, ou chercher à connaître les causes subjectives plus lointaines et propres aux contractants qui les ont poussés à conclure le contrat. De plus, elle nous éclaire sur les conditions de la mise en œuvre de la sanction d'un contrat pour cause illicite. La Cour de cassation exige, pour prononcer la nullité d'un contrat pour cause illicite, que les deux parties aient eu connaissance de ce mobile illicite. En l'espèce l'acheteur n'a pas exposé explicitement l'usage qu'il comptait faire de son acquisition. [...]
[...] L'avenir dira si la Cour de cassation applique ce principe en faveur de la partie qui poursuivait un but illicite lors de la conclusion du contrat, pour savoir si elle fait prévaloir l'intérêt de la partie irréprochable ou l'intérêt général. [...]
[...] Le 7 octobre 1998, la première chambre civile a reconnu qu'un contrat pouvait être annulé pour cause illicite ou immorale même lorsque l'une des parties n'a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat Ce principe a été réaffirmé depuis, notamment dans un arrêt du 1er mars 2005 de cette même chambre. Dans ces deux cas, il convient de constater que la Cour de cassation a permis l'annulation au profit de la partie qui n'avait pas connaissance du mobile illicite. [...]
[...] B La distinction par la Cour de cassation de la cause de l'obligation et de celle du contrat La Cour de cassation affirme que si la cause de l'obligation de l'acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c'est-à-dire celui en l'absence duquel l'acquéreur ne se serait pas engagé Elle poursuit en expliquant que la Cour d'appel ayant relevé que la cause impulsive et déterminante puisait sa source dans une infraction pénale, elle a exactement déduit que la cause revêtait un caractère illicite. Ainsi, la Cour de cassation consacre la théorie moderne selon laquelle on doit tenir compte des mobiles propres aux parties, pour lesquels elles ont contracté. [...]
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