Il existe une véritable incompatibilité entre les responsabilités contractuelle et délictuelle qui exclut le cumul des deux ordres de responsabilité. C'est ce que rappelle la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 11 mai 1982.
Une entreprise de plomberie effectuait des travaux sur la toiture d'un château. Un incendie, provoqué par l'emploi d'un chalumeau, l'a partiellement dévasté. Un arrêt du 21 avril 1978 devenu irrévocable déclare l'entrepreneur contractuellement responsable de l'incendie par suite de sa négligence. L'arrêt attaqué, rendu le 2 octobre 1980, après expertise, l'a condamné au paiement de diverses indemnités, incluant la somme de 60 000 francs représentant les intérêts d'un emprunt que le propriétaire avait contracté pour faire face aux premiers frais de mise hors d'eau du bâtiment incendié, et une somme de 70 000 francs pour perte des loyers des locaux du premier étage du château. Il a par ailleurs fixé à 200 000 francs, sous réserve d'une franchise de 1 000 francs, le capital garanti par la police souscrite par l'entrepreneur, et non pas au double de cette somme comme celui-ci le demandait. Il forme un pourvoit en cassation.
Un débiteur contractuellement responsable des dommages causés à l'occasion de la prestation qu'il exécutait peut-il être condamné à indemniser le créancier de divers chefs de préjudices non prévus lors du contrat au motif que l'inexécution de son obligation contractuelle coïncide avec une faute délictuelle ?
[...] La validité d'un tel régime est fondée sur l'objectif de la responsabilité contractuelle qui ne vise qu'à rétablir la force obligatoire du contrat et non pas à indemniser le créancier de tous les préjudices subis par lui. En effet cette fixation des dommages et intérêts avant la survenue du préjudice exclut la recherche d'une véritable adéquation entre préjudice subi et réparation. C'est ce que démontre l'espèce dans la mesure où les dommages et intérêts prévus ou prévisibles lors du contrat ne peuvent égaler les frais qui incombent au propriétaire à la suite de l'incendie. [...]
[...] Cette solution a le mérite d'indemniser intégralement le créancier des dommages qu'il a subis et donc de ne pas lui faire supporter les conséquences de la négligence de son débiteur alors que la seule mise en œuvre de la responsabilité contractuelle ne lui permettrait d'obtenir que la réparation de l'inexécution. Les juges du second degré ont cherché à faire jouer l'équité et à prendre en compte l'importance du préjudice subi qui dépasse la seule inexécution du contrat. Le fondement de l'impossibilité du cumul des deux responsabilités et donc de la sanction de la décision retenue par la Cour d'appel est à rechercher dans la confrontation des régimes des deux responsabilités telles qu'elle ressort de celle de l'article 1150 du Code civil et de la solution de la Cour d'appel. [...]
[...] Elle énonce par ailleurs qu'il résulte de l'examen des conditions générales du contrat que des rubriques différentes des conditions particulières concernent le même genre de sinistre et qu'il ne serait être question de faire couvrir deux fois le même risque par la même police sans accord explicite des parties. Un débiteur contractuellement responsable des dommages causés à l'occasion de la prestation qu'il exécutait peut-il être condamné à indemniser le créancier de divers chefs de préjudices non prévus lors du contrat au motif que l'inexécution de son obligation contractuelle coïncide avec une faute délictuelle ? La Cour de Cassation accueille le pourvoi. [...]
[...] Il existe bien en droit positif, et cela est prévu par la lettre de l'article 1150, la possibilité de dépasser la réparation des seuls dommages prévisibles. Il est possible, sans porter atteinte à la spécificité de la responsabilité contractuelle, de condamner un débiteur à la réparation intégrale des préjudices subis suite à une inexécution contractuelle. Le droit positif excluait donc explicitement la réparation intégrale en l'espèce et l'existence d'une faute délictuelle qui n'est ni une faute lourde ni un dol ne saurait justifier la suppression du plafond des réparations. [...]
[...] On en trouve une application dans la solution de la Cour d'appel qui condamnait l'entrepreneur à indemniser son employeur de divers chefs de préjudice sans s'interroger sur leur caractère prévisible. Le cumul des deux responsabilités s'avère donc problématique du fait de leurs conséquences différentes du point de vue de l'indemnisation. Mais ce que sanctionne la Cour de Cassation c'est également la confusion de leurs conditions de mise en œuvre. La primauté de la responsabilité contractuelle La source de la responsabilité contractuelle se trouve dans l'inexécution d'une obligation contractuelle. C'est le contrat qui la fait naître. [...]
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