« La prescription trentenaire doit disparaître » . Par ces mots, Souty dénonçait la longueur excessive de la prescription de droit commun. Carbonnier se joindra à cette critique tout en avançant « un scandale des prescriptions trop courtes » . En effet, si une prescription trop longue est source d'insécurité juridique, une prescription trop courte l'est aussi bien que différemment. Entre la nécessité d'établir la « vérité », de faire justice, et le besoin de stabilité et de sérénité, il faut trouver un juste milieu dans un souci de sécurité. Dans la décision commentée en date du 24 janvier 2006, la 1ère chambre civile a clairement opté pour la première au risque d'oublier le second.
En l'espèce, un contentieux était né entre héritiers à propos d'un dol affectant un acte de renonciation à succession accompli plus de trente ans auparavant. Les enfants issus du premier lit avaient renoncé à la succession de leur défunt père, laissant ainsi le patrimoine successoral à la seconde épouse du de cujus. Trente-sept ans plus tard, les héritiers de l'un d'entre eux assignent les héritiers de cette dernière en annulation pour dol et recel successoral dudit acte de renonciation à la succession.
Leur action est déclarée irrecevable par la Cour d'appel de Lyon pour forclusion en vertu de l'article 2262 du Code civil posant la prescription trentenaire comme prescription de droit commun. Le jugement qui avait été rendu en première instance est ainsi confirmé.
Cette décision est cassée par la Cour de cassation qui relève non seulement une application erronée de l'article 2262 du Code civil, mais aussi une inapplication de l'article 1304 du Code civil.
Quelle est la place de la nature de l'acte dans la détermination du délai de prescription applicable ? Comment ce délai est-il mis en application ?
Si la présomption trentenaire est la présomption de droit commun selon l'article 2262 du Code civil, la 1ère chambre civile va suivre le courant jurisprudentiel en décidant que c'est la prescription quinquennale prévue par l'article 1304 pour les actions en nullité relative qui doit être appliquée pour les actes unilatéraux aussi bien que pour les conventions (I). Mais les modalités de cette application font que le délai de prescription en cas de vice de consentement peut être supérieur à 30 ans. L'arrêt entre donc en contradiction avec l'évolution actuelle en matière de prescription, est sujet à critique (II).
[...] Les nullités : Cour de cassation, première chambre civile janvier 2006 La prescription trentenaire doit disparaître Par ces mots, Souty dénonçait la longueur excessive de la prescription de droit commun. Carbonnier se joindra à cette critique tout en avançant un scandale des prescriptions trop courtes En effet, si une prescription trop longue est source d'insécurité juridique, une prescription trop courte l'est aussi bien que différemment. Entre la nécessité d'établir la vérité de faire justice, et le besoin de stabilité et de sérénité, il faut trouver un juste milieu dans un souci de sécurité. [...]
[...] L'arrêt de la Cour d'appel sera donc cassé pour inapplication de l'article 1304. La cassation est également justifiée par la mauvaise application de l'article 2262. Cet aspect sera étudié ultérieurement. De l'abandon de la prescription trentenaire en matière de dol ou de la sanction de l'inapplication de l'article 1304 La 1ère chambre civile considère que c'est la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil, en principe utilisée en matière contractuelle, qui doit être appliquée. En appliquant cette prescription aussi bien aux conventions qu'aux actes unilatéraux, la Cour de cassation ne fait que suivre une jurisprudence constante qui veut que le régime des contrats s'applique aux actes unilatéraux. [...]
[...] Ainsi, en l'espèce, le dol n'a été découvert que bien après la renonciation. Plus de trente années se sont écoulées. La prescription de l'article 2262 était donc largement dépassée. Mais l'action n'est ici pas prescrite car le dol a été découvert il y a moins de 5 ans. Par conséquent, même 37 ans après les faits, l'action en nullité reste ouverte. Si la 1ère chambre civile avait décidé de combiner la prescription trentenaire avec la prescription quinquennale en inscrivant cette dernière dans les limites de la première, l'action aurait été prescrite. [...]
[...] D'ailleurs, l'insécurité juridique ne concerne pas seulement les parties, mais également les tiers. En effet le patrimoine successoral aura pu subir de nombreuses modifications, sur lesquelles l'effet rétroactif de la nullité impose de revenir. Il devient alors très complexe d'effectuer les restitutions nécessaires qui pourront porter atteinte aux tiers. En outre, cette décision est clairement à contre-courant au regard, par exemple, de la loi de 1998 sur les produits défectueux combinant deux délais, un de trois ans devant s'inscrire dans le délai décennale. [...]
[...] D'ailleurs, l'attendu de principe principal ne comporte aucune référence à l'acte susceptible de nullité : la prescription extinctive trentenaire de l'article 2262 du Code civil n'est pas applicable à l'action en nullité pour dol régie par le seul article 1304 du même code, sauf à priver d'effectivité l'exercice de l'action prévue par ce texte Une telle solution, consacrée à l'occasion d'un acte unilatéral à titre gratuit, a vocation à s'appliquer à toutes les conventions. Si l'article 2262 est écarté, la Cour de cassation a tout de même pris le soin de préciser qu'il a été appliqué de façon erronée. [...]
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