Par décision du 28 octobre 1999, le Tribunal de grande instance de Nice débouta les copropriétaires qui n'auront guère plus de chance devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui, dans son arrêt du 18 janvier 2005, relèvera simplement que le règlement de copropriété interdisait le type de construction visée. A l'appui de leur pourvoi, les copropriétaires feront valoir principalement que la Cour d'appel n'avait pas, d'une part, constaté en quoi les restrictions imposées étaient justifiées par la destination de l'immeuble et, d'autre part, que les clauses d'un règlement de copropriété ne pouvaient avoir pour conséquence de priver d'effet la liberté de culte telle qu'elle est protégée par les articles 9 du Code civil et 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Mélangé de fait et de droit, le premier moyen ne fut pas examiné et concernant le second moyen, la Cour n'y répond pas réellement relevant simplement que « la liberté religieuse, pour fondamentale qu'elle soit, ne pouvait avoir pour effet de rendre licites les violations des dispositions d'un règlement de copropriété (…), que la cabane faisait partie des ouvrages prohibés par ce règlement et portait atteinte à l'harmonie générale de l'immeuble puisqu'elle était visible de la rue, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que l'assemblée générale était fondée à mandater son syndic pour agir en justice en vue de l'enlèvement de ces objets ou constructions ». Cette décision, apparemment sévère pour les copropriétaires désireux de pratiquer librement leur religion, nous offre l'occasion de rappeler que derrière l'invocation de cette liberté, se cache presque toujours pour le juge une simple question de comportement à apprécier (I) eu égard à d'autres impératifs qui peuvent lui être supérieurs, notamment ici, la destination de l'immeuble (II).
[...] G I., 3151. Cass. soc mars 1998, Bull. 171, Droit social p obs. J. Savatier. Cass. civ., 3ème décembre 2002, RTD. civ p obs. [...]
[...] Difficile donc de ne pas juger que la cabane n'entrait pas sous le coup d'une telle interdiction, ce constat étant certainement renforcé par le fait qu'en devenant copropriétaires ce qui implique donc au minimum une lecture du règlement de copropriété les requérants auraient dû savoir qu'ils ne pourraient pas exercer librement leur religion. La Cour de cassation constaterait ainsi une sorte de renonciation à un droit, celui de se prévaloir de ses propres convictions religieuses ou, du moins, une certaine incohérence dans le comportement des copropriétaires qui avaient lu le règlement, ce qui pourrait certes apparaître rigoureux car cela revient à dire qu'ils n'avaient que le choix d'y souscrire ou de déguerpir, mais pas de gémir pour reprendre une formule utilisée dans une autre matière[40]. [...]
[...] Il ne faut pas, en effet, raisonnant sur les exemples modernes, confiner la religion dans le spirituel, spécialiser la norme religieuse dans les impératifs de conscience. Si l'on raisonne sur la longue série sociologique, la religion offre une capacité d'absorption presque indéfinie : il est en son pouvoir de sacraliser une quelconque espèce de règles, de transformer des mœurs en rites ou des stéréotypes gestuels en gestes hiératiques. Cette analogie de la religion au droit explique assez qu'entre les deux les frontières soient quelquefois indécises : il y a des religions légalistes, et il existe des droits religieux Ce faisant, le juge civil n'a pas nécessairement la même vision de la règle religieuse que ceux qui la revendiquent. [...]
[...] I / La liberté religieuse à l'épreuve de l'appréciation d'un comportement 2. Une liberté pour fondamentale qu'elle soit Nul ne peut réellement prétendre que la liberté religieuse ne soit pas gérée à part dans la conscience commune, attirée peut-être par quelques idées d'originalité transcendantale entre l'Homme et son Dieu, mais surtout marquée par le sang versé qui tâche les pages de notre Histoire[3] ; elle qui, plus que jamais, fait partie intégrante des débats sociaux contemporains, elle qui est si protégée : loi du 9 décembre 1905, article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, article al. [...]
[...] civ., 3ème juin 2006, 05-14774 : Les fêtes religieuses à l'épreuve du règlement de copropriété 1. Des copropriétaires peuvent-ils librement disposer de leur balcon à l'occasion d'une fête religieuse nonobstant les prohibitions instaurées par le règlement de copropriété ? Telle était la question posée à la Cour de cassation dans cette décision du 8 juin 2006[1]. Il s'agissait en l'espèce de copropriétaires de confession juive qui, à l'occasion de la fête de Souccoth[2] qui commémore l'exode du peuple juif dans le désert, avaient réalisé une cabane, la souccah, réalisation fort simple au demeurant consistant simplement à assembler des parois à l'aide de cannisses surplombées d'un toit composé de branchages laissant entrevoir le ciel. [...]
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