La lecture de l'arrêt fait immédiatement apparaître deux problèmes de droit :
1°) L'agent immobilier qui acquiert un système d'alarme pour son activité professionnelle peut-il être qualifié de consommateur et bénéficier des dispositions protectrices de la loi du 10 janvier 1978 ? (1ère branche du moyen et 1ère partie de la motivation de la Cour de cassation).
2°) Les clauses par lesquelles le vendeur tente d'échapper à son obligation de délivrer une chose apte à rendre le service que l'acquéreur peut légitimement en attendre peuvent-elles être déclarées abusives au regard de la loi du 10 janvier 1978 et de son décret d'application du 24 mars 1978 ? (2ème, 3ème et 4ème branches du moyen et 2nde partie de la motivation de la Cour de cassation).
Donc en d'autres termes :
- le premier problème concerne le champ d'application de la théorie des clauses abusives, défini par la notion de consommateur,
- le second concerne la définition de la clause abusive et surtout le système mis en place pour parvenir à son élimination (...)
[...] FACULTÉ DE DROIT & SCIENCES POLITIQUES UFR DE DROIT 0O0 Droit des obligations 1 D R O IT P R IV É Droit des obligations : Droit des contrats Commentez l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 avril 1987. Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Abonnement téléphonique a installé un système d'alarme contre le vol dans un immeuble appartenant à la société Pigranel et que celle-ci a dénoncé le contrat en se prévalant du caractère abusif de certaines de ses stipulations et en faisant valoir que l'alarme se déclenchait fréquemment sans aucune raison ; que, sur son assignation, la cour d'appel a déclaré nulle la clause du contrat suivant laquelle Abonnement téléphonique ne contractait dans tous les cas qu'une obligation de moyens et non de résultat, celle qui prévoyait que les dérangements, quelle qu'en fût la cause, ne pourraient ouvrir droit à indemnité ni à résiliation du contrat, enfin celle qui attribuait au contraire à Abonnement téléphonique diverses indemnités quel que fût le motif invoqué pour mettre fin audit contrat ; qu'elle a en conséquence décidé que la société Pigranel avait eu le droit de résilier ; Attendu qu'Abonnement téléphonique reproche aux juges du second degré d'avoir ainsi statué, aux motifs que la loi du 10 janvier 1978 et le décret du 24 mars 1978 sont applicables en la cause, la société Pigranel se trouvant dans la situation de n'importe quel individu non commerçant, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une opération commerciale entre professionnels, à but lucratif pour l'une comme pour l'autre des parties, alors que, d'une part, selon le moyen, la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs ne s'applique pas aux contrats souscrits par des commerçants ou professionnels, lesquels sont en mesure de déceler et de négocier les clauses qu'ils jugent abusives, en particulier dans le cas de l'espèce puisque la société Pigranel est spécialisée dans la rédaction de contrats, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 35 de ladite loi, les articles 1er à 5 du décret précité et l'article 1134 du Code civil ; qu'il est affirmé, d'autre part, qu'Abonnement téléphonique ne pouvait en aucun cas souscrire une obligation de résultat au regard des dommages prétendument subis et des mauvais fonctionnements de l'installation ; que, de troisième part, selon le moyen, la clause refusant à la société Pigranel tout droit à résiliation ou à dommages-intérêts en cas de dérangement n'était pas interdite par le décret, dont l'article 2 a donc été violé en même temps que l'article 1134 du Code civil ; qu'il est enfin prétendu que l'arrêt attaqué a encore violé les mêmes textes en annulant la clause attribuant diverses indemnités à Abonnement téléphonique en cas de cessation du contrat quel qu'en soit le motif ; 2 Mais attendu, sur le premier point, que les juges d'appel ont estimé que le contrat conclu entre Abonnement téléphonique et la société Pigranel échappait à la compétence professionnelle de celle-ci, dont l'activité d'agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d'alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause, était donc dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur ; qu'ils en ont déduit à bon droit que la loi du 10 janvier 1978 était applicable ; Et attendu, sur les trois autres points, que le vendeur étant tenu de délivrer une chose apte à rendre le service que l'acquéreur peut légitimement en attendre, la cour d'appel, qui a relevé que l'installation n'a pas fonctionné de manière satisfaisante, dès sa mise en service jusqu'à la décision de résiliation, et qu'elle a provoqué pendant ces deux années de nombreuses alertes intempestives, a ainsi légalement justifié, au regard de l'article 2 du décret 78-464 du 24 mars 1978, le chef de son arrêt décidant de tenir pour abusives et donc non écrites, dans ces limites, les trois clauses ci-avant analysées ; Qu'en aucune de ses quatre branches le moyen ne peut donc être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi Commentaire de l'arrêt : Cass. [...]
[...] Cette solution étant extrêmement sévère pour les professionnels, exclus en toute hypothèse de la protection contre les clauses abusives, la Cour de cassation a ensuite abandonné cette définition pour retenir un troisième critère à partir d'un arrêt du 24 janvier 1995, qui aboutit à une solution intermédiaire entre les deux précédentes. Elle a ainsi décidé que les dispositions de l'article L. 132-1 ne s'appliquaient pas aux contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le contractant. Cela implique donc que le professionnel qui conclut un contrat ne présentant pas de rapport direct avec son activité professionnelle pourrait donc bénéficier de la protection de l'article L. [...]
[...] Cette façon d'optimiser la protection découlant de la théorie des clauses abusives peut donc être approuvée. Mais elle suscite également la critique, dans la mesure où elle consacre une notion de consommateur assez ambiguë (l'idée qu'un professionnel peut, dans certains situations, être traité comme un consommateur étant un peu paradoxale) et qui perd de sa spécificité (qui trop embrasse mal étreint Cette critique semble avoir été, pour partie du moins, prise en compte par la jurisprudence ultérieure. PORTÉE : L'évolution du droit positif postérieurement à l'arrêt Cette analyse extensive de la notion de consommateur n'a vécu qu'un temps, car elle n'a été ensuite retenue ni par les Communautés européennes (article 2 de la directive du 05 avril 1993), ni par la commission des clauses 8 abusives. [...]
[...] Cour d'appel : la loi du 10 janvier 1978 et le décret du 24 mars 1978 sont applicables en la cause, la société Pigranel se trouvant dans la situation de n'importe quel individu non commerçant Pourvoi (1ère branche du moyen) : la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs ne s'applique pas aux contrats souscrits par des commerçants ou professionnels, lesquels sont en mesure de déceler et de négocier les clauses qu'ils jugent abusives, en particulier dans le cas de l'espèce puisque la société Pigranel est spécialisée dans la rédaction de contrats, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 35 de ladite loi, les articles 1er à 5 du décret précité et l'article 1134 du Code civil Le pourvoi met ainsi en avant deux argumentaires : - l'un, général, correspond à l'idée que tout professionnel, de par sa qualité, est censé savoir se protéger lui-même contre les clauses abusives 6 qui peuvent être introduites par son partenaire dans le contrat. Il n'est donc pas, par définition même, destinataire des mesures de protection de la loi de 1978. - l'autre, propre à l'espèce, est que le professionnel est un agent immobilier que sa profession rend donc familier de la rédaction des contrats et qui peut donc encore moins se prévaloir de la protection contre les clauses abusives. [...]
[...] D'une part, elle ne dispensait pas le consommateur de prouver le caractère abusif d'une clause qui y était mentionnée (alors que c'est le cas lorsque la clause est visée par un décret). D'autre part, elle n'empêchait pas de demander qu'une clause n'y figurant pas soit déclarée abusive Cette liste a été abrogée par la loi du 04 août 2008, et la tâche d'élaborer de nouvelles listes de clauses abusives a été confiée à l'administration. La loi du 04 août 2008 portant modernisation de l'économie a étendu les prérogatives du pouvoir réglementaire. [...]
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