Dans la première espèce, le professeur Turpain, historien, avait contesté la valeur des travaux du scientifique Branly dans des articles de journaux. Quelques années plus tard, dans un article intitulé « Historique de la T.S.F », il avait exposé les travaux de grands scientifiques ayant joué un rôle dans la réalisation de la télégraphie sans fil, tout en omettant volontairement de faire une moindre allusion aux travaux de Branly sur le sujet (...)
[...] Dans son arrêt du 27 février 1951, la Chambre civile de la Cour de cassation considère que le quasi-délit dont se prévalent les demandeurs [ ] ne requiert pas cet élément intentionnel Elle ajoute que la faute prévue par les articles 1382 et 1383 peut considérer aussi bien dans une abstention que dans un acte positif et que cela engage la responsabilité de son auteur lorsque le fait omis devait être accompli, [ ] s'il s'agit notamment d'un historien, en vertu des exigences d'une information objective La Cour de cassation casse ainsi l'arrêt d'appel au motif que Turpain a manqué au devoir d'objectivité qui lui incombait. Dans la seconde espèce en revanche, l'historien Mr. Servan-Schreiber avait écrit un livre qui parlait, entre autres, des relations d'Hélène de Portes avec les nazis en 1940. [...]
[...] En effet, il est difficile de déterminer avec précision à quel moment l'auteur mentionne ses convictions personnelles et à quel moment il est totalement objectif. On ne peut savoir avec certitude si tout ce qu'il allègue a bien été réel, si Hélène de Portes l'a effectivement pensé, ou s'il n'a pas dénaturé, modifié un peu certains faits. La frontière entre l'objectivité et les opinions de l'historien peut parfois être mince, surtout en ce qui concerne des faits pas tellement connus du grand public. De plus, dans l'arrêt de 1951, la Cour de cassation parle d'un manquement à une obligation préexistante. [...]
[...] L'article écrit par Turpain intitulé Historique de la T.S.F était bien un article relatant des faits censés être objectifs et s'étant réellement déroulés. Or Branly était reconnu comme étant l'auteur d'expériences déterminantes en la matière par de hautes personnalités scientifiques Il était donc normal et essentiel que ses travaux ou au moins son nom soient mentionnés dans l'article. Turpain s'est cependant abstenu d'y faire une quelconque référence. Il a donc manqué à son devoir d'objectivité. Peu importe que Turpain ait de la considération ou non pour les travaux de Branly, ceux-ci sont reconnus par les scientifiques les plus qualifiés, Turpain ne pouvait donc pas légitimement garder le silence sur ce point. [...]
[...] Cependant, dans l'arrêt du 15 juin 1994, la Cour de cassation semble préciser certains critères de l'acte positif en considérant que la responsabilité de l'historien peut être engagée d'une part lorsque la dénaturation ou la falsification de certains faits manifestent un mépris flagrant pour la recherche de la vérité Cependant ce n'est pas non plus ce qui fait grief dans ce deuxième arrêt. L'abstention, en revanche, est un acte négatif, caractérisé par le fait de ne pas agir. On peut distinguer l'abstention pure et simple de l'abstention dans l'action. [...]
[...] L'Arrêt de 1994 adopte néanmoins des critères plus restrictifs pour engager la responsabilité de l'historien : il faut que la présentation des thèses soutenues manifeste, par la dénaturation, la falsification ou négligence grave, un mépris flagrant pour la recherche de la vérité Ainsi, la responsabilité des historiens, et d'autres sûrement d'autres professions par extension verront leur responsabilité engagée seulement pour des faits d'une certaine gravité, afin de ne pas remettre en cause chacune de leur parole qui peut toujours s'interpréter dans un sens ou dans un autre. [...]
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