I. - L'existence d'un aléa sur l'authenticité de l'oeuvre d'art
A) Les conditions classiques de l'erreur : l'existence d'une croyance erronée déterminante du consentement
- Erreur sur la substance de la chose visée à l'article 1110 du Code civil.
- Notion de substance de la chose : passage rapide de la jp d'une conception objective à une conception subjective.
- Conséquence de cette conception subjective : la jp exige que la victime de l'erreur démontre dans un premier temps deux choses (ce sont les deux premières conditions de la nullité pour erreur).
* d'une part qu'elle a cru faussement que la chose présentait telle qualité, donc qu'elle a contracté sous l'empire d'une croyance erronée ;
* d'autre part que cette croyance erronée a été la raison déterminante de son engagement.
- De ce fait, l'identification de la qualité substantielle de la chose est, dans chaque espèce, une question de fait, d'intention, qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, puisque ceux-ci doivent examiner la volonté de la victime de l'erreur afin de déterminer si la qualité qui fait défaut était essentielle aux yeux de celle-ci. Cette appréciation se fait par référence à la situation personnelle et à l'état d'esprit de celui qui se prétend victime de l'erreur. Il s'agit donc d'une appréciation in concreto. (...)
[...] et en s'abstenant de rechercher quelle était la conviction du vendeur, alors que leurs conclusions faisaient valoir qu'il était persuadé, à la suite des avis formels des experts, que l'authenticité de l'œuvre était exclue, la cour d'appel a violé à la fois les articles 1110 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est, d'autre part, prétendu qu'en toute hypothèse, le vendeur commet une erreur quand il vend sous l'empire de la conviction que l'authenticité est discutable, alors qu'elle est en réalité certaine et que tout aléa à ce sujet est inexistant ; Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte des énonciations souveraines du jugement confirmé qu'en vendant ou en achetant, en 1933, une œuvre attribuée à Fragonard, les contractants ont accepté un aléa sur l'authenticité de l'œuvre, que les héritiers de Jean André Vincent ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, que leur auteur a consenti à la vente de son tableau sous l'empire d'une conviction erronée quant à l'auteur de celui-ci ; que le moyen, en sa première branche, ne peut dès lors être accueilli ; Et attendu, en second lieu, que, ainsi accepté de part et d'autre, l'aléa sur l'authenticité de l'œuvre avait été dans le champ contractuel ; qu'en conséquence, aucune des deux parties ne pouvait alléguer l'erreur en cas de dissipation ultérieure de l'incertitude commune, et notamment pas le vendeur ni ses ayants cause en cas d'authenticité devenue certaine ; que le moyen doit donc être entièrement écarté ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. FICHE ANALYTIQUE DE L'ARRÊT Commentaire de l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 24 mars 1987 I. L'existence d'un aléa sur l'authenticité de l'œuvre d'art Les conditions classiques de l'erreur : l'existence d'une croyance erronée déterminante du consentement - Erreur sur la substance de la chose visée à l'article 1110 du Code civil. - Notion de substance de la chose : passage rapide de la jp d'une conception objective à une conception subjective. [...]
[...] La perturbation des conditions classiques de l'erreur en cas d'aléa sur l'authenticité de l'œuvre d'art - Les ayants cause de l'acheteur prétendent, d'une part, que celui-ci a contracté en étant certain que l'authenticité du tableau était exclue (première branche du moyen) et d'autre part, qu'en tout état de cause, il a commis une erreur dans la mesure où il a pu croire que l'authenticité du tableau était discutable alors qu'elle était certaine (seconde branche du moyen). - Ce raisonnement n'a convaincu ni les juges du fond, ni la Cour de cassation, en raison de la présence d'un aléa sur l'authenticité de l'œuvre litigieuse. Les juges du fond ont ainsi décidé que l'expression attribué à introduisait un aléa, un doute sur l'authenticité de l'œuvre au moment de la conclusion du contrat, qui excluait l'existence d'une croyance erronée de l'acheteur. [...]
[...] Ce n'était par exemple pas le cas dans la célèbre affaire Poussin. Dans cette affaire, les vendeurs n'avaient pas accepté l'existence d'un doute, d'un aléa sur l'authenticité de l'œuvre. Ils avaient conclu en étant complètement certains que le tableau n'était pas un Poussin et avaient donc contracté sous l'empire d'une erreur. Affinement ultérieur de la jp qui a précisé qu'il fallait en outre s'interroger non seulement sur l'existence d'une acceptation de l'aléa par les deux parties au contrat mais également sur l'étendue de l'aléa accepté (Civ. [...]
[...] Les conséquences de l'aléa sur l'authenticité de l'œuvre d'art Le principe : l'aléa chasse la nullité pour erreur Le principe est que l'acceptation d'un aléa interdit à l'une ou l'autre des parties de demander la nullité du contrat. Quoi qu'il arrive après la vente, que le tableau se révèle authentique ou faux, aucune erreur ne peut être invoquée, puisque les deux parties savaient au moment de la conclusion de la vente, que le tableau pouvait être ou ne pas être un authentique. [...]
[...] Il n'y a pas de décalage entre leur croyance au moment de la formation du contrat et la réalité à ce même moment. C'était le cas en l'espèce : expliquer le doute au moment de la vente et la levée du doute ensuite. Un auteur a résumé cette situation par une formule reprise depuis par l'ensemble de la doctrine : l'aléa chasse la nullité pour erreur. Si l'œuvre se révèle authentique, l'aléa joue en faveur de l'acheteur. Dans le cas contraire, l'aléa joue en faveur du vendeur, ce qui a été le cas en l'espèce Les limites du principe Pour que ce principe puisse jouer, il faut que le doute sur l'authenticité de l'œuvre ait été connu et accepté par les deux parties. [...]
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