Par quatre arrêts du 9 mai 1984, l'assemblée plénière a prononcé le divorce définitif entre les concepts de conscience et de responsabilité et proclamé le règne de la faute objective en matière de responsabilité du fait personnel. La doctrine civiliste a opposé deux principales critiques à ces principes, auxquelles Denis Mazeaud adhère. D'une part, selon cette doctrine, considérer qu'un infans peut voir sa responsabilité mise en jeu sur le fondement d'une faute objective, parce que l'appréciation de celle-ci procède non pas d'un examen de conscience mais d'un simple examen de conduite, reviendrait à dénaturer les concepts de responsabilité et de faute.
Il s'agit donc de nuancer la position catégorique selon laquelle le discernement est désormais étranger à la définition de la faute civile. La Cour de cassation explicite dans l'arrêt rapporté sa position en ce qui concerne la faute objective et le second intérêt réside dans la méthode de l'appréciation in abstracto qu'implique la notion de faute objective (I). Mais l'arrêt rapporté se montre aussi intéressant du point de vue de l'étude de la condition du discernement et donc d'imputabilité dans la caractérisation de la faute civile. Et de ces constations transparaît la nécessité de conserver cette condition dans le cas de certaines fautes civiles devraient demeurer subjectives, par définition ou par fonction (II).
[...] L'exigence de discernement devrait alors s'imposer, bien qu'il n'en soit pas toujours ainsi. Il apparaît donc que la prise en compte discernement ne peut être totalement exclue du droit de la responsabilité civile. Et c'est la fonction qui s'attache à la faute qui permet de déduire la nécessité de prendre en compte le discernement. L'arrêt du 28 février 1996 permet de montrer clairement que la faute civile est objective : le discernement ne saurait être pris en compte pour apprécier la responsabilité de l'agent. [...]
[...] Aussi, le discernement n'est pas toujours aussi distinct de l'illicéité qu'il y paraît. Il apparaît alors que face à certaines fautes, l'appréciation subjective est requise, amenée par la distinction entre le discernement et l'illicéité. Cette distinction qui entraîne la prise en compte du discernement de l'agent dans l'analyse de son comportement semble être le fait du but poursuivi par certaines fautes, de la fonction qu'elles ont dans l'ordonnancement juridique du droit de la responsabilité civile. Aussi, bien que consacrant l'avènement de la faute objective dans le droit de la responsabilité civile, l'arrêt du 28 février 1996 montre l'impossibilité d'abandonner la faute subjective dans ce droit, malgré un certain risque d'insécurité juridique qui plane sur son appréciation. [...]
[...] Le discernement in abstracto peut être ainsi adapté en considération d'infériorités physiques. En règle générale, les règles de prudence et de diligence semblent se réduire à la compréhension in abstracto des conséquences d'un comportement donné. Et le comportement donné devient illicite lorsque le bon père de famille aurait saisi qu'il pût être dommageable à autrui. Sur ce point, la responsabilité dérive vers une conception d'objectivation. Mais notre droit, parce qu'il poursuit une politique du toute indemnisation préconisée par les détracteurs mêmes de la solution de l'arrêt rapporté, s'est engagé dans la voie de l'objectivation. [...]
[...] L'aspect préventif est net en ce qui concerne les accidents du travail et ceux de la circulation. Les effets cette faute tendent en effet à priver une personne d'un régime légal dérogatoire qui lui serait favorable autrement. Le Code de la Sécurité sociale vise à réglementer les différentes responsabilités dans ce domaine de manière dérogatoire au droit commun de la responsabilité civile. La loi du 5 juillet 1985 relative à l'indemnisation des victimes fait de même pour ce qui relève des accidents de la circulation. [...]
[...] L'enfant se caractérisant par son manque de discernement, toute idée de normalité ne reviendrait qu'à réintroduire le discernement. Mais l'illicéité amène des difficultés quant à son appréciation Deux modèles d'appréciation de l'illicéité différents La violation des devoirs de prudence et de diligence nécessite une adaptation concrète aux circonstances de l'espèce. L'appréciation de l'illicéité en présence de cette violation est donc particulièrement délicate, surtout lorsqu'il s'agit de bannir le critère de l'âge de l'agent. L'appréciation de ces circonstances peut se faire sur deux voies : d'après un modèle unique et général, c'est à dire d'après le comportement qu'aurait eu un bon père de famille, ou bien d'après un modèle spécialisé à chaque espèce, qui serait ici en l'occurrence un enfant en bas âge dans la même situation. [...]
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