Une jeune fille participant à un jeu improvisé s'apparentant au base-ball avait été blessée à l'oeil par une balle de tennis relancée dans sa direction par un autre enfant à l'aide de sa raquette. Pour débouter la victime de sa demande en réparation, la cour d'appel avait retenu deux motifs visant à écarter, en l'espèce, l'application de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil qui était invoqué. Elle avait, en premier lieu, estimé que la balle étant l'instrument du dommage, la fillette ne pouvait se prévaloir de l'article précité a raison de la garde commune qu'elle exerçait sur cette chose. De même, les juges du fond avaient considéré qu'en participant a ce jeu, la victime avait admis les risques que celui-ci comportait. Aussi, c'est sur ces deux points que la Cour régulatrice sera saisie d'un pourvoi.
La victime blessée par le renvoi d'une balle frappée par son camarade à l'aide d'une raquette peut-elle se voir écarter le bénéfice de l'article 1384 du Code civil comme étant cogardienne de la chose projetée ? À défaut, peut-elle avoir, à tout le moins, accepté les risques nés de cette rencontre sportive improvisée ?
[...] Dans ces espèces, ni le conducteur ni l'alpiniste n'avaient la garde des choses ayant atteint le siège du dommage. En revanche, ceux-ci avaient l'usage, la direction et le contrôle de l'automobile et de la corde (déplacement de la causalité d'ailleurs très saluée en doctrine ; A.Tunc note sous civ.2e 3 fev D Le raisonnement est, ici, parfaitement transposable à l'espèce. On le sait, par avance, l'absence de contact entre la chose et le siège du dommage n'est pas de nature à mettre obstacle à la reconnaissance du rôle causal de la chose (civ.2e 18 mars 1987). [...]
[...] Il n'est pas niable, en ce sens, que le fait de jouer à un jeu improvisé de base-ball à l'aide d'une balle et d'une raquette de tennis faisait générer à la victime des risques qui n'étaient pas négligeables. Il y ici, plus une différence de degré que de nature entre la compétition et le jeu improvisé. Tel est le cas également de certaines activités de loisirs (chasse, ski) qui ne bénéficient pas de l'effet exonératoire de l'acceptation des risques. Plus généralement et conformément au fondement de la théorie en matière sportive explicitée plus tôt, il est patent que le jeu informel, fut-il d'amusement, l'enfant dépasse ou tente de dépasser les limites physiques qui lui sont propres. [...]
[...] En outre, le caractère arbitraire de la théorie se retrouve au regard de l'acceptation même du risque pour laquelle la jurisprudence se montre particulièrement laxiste. On l'a vu, le sportif n'est tenu d'accepter les risques nés du jeu dans la mesure, exclusive, ou celui-ci est apte à saisir tant la réalité que sa probabilité de réalisation (S.Chassagnard, la notion de normalité en droit privé français thèse Toulouse spéc. Nº1073). Or, il a souvent été noté en doctrine que la Cour régulatrice opère, en la matière un contrôle très succinct de telle sorte que certains considèrent que seules les victimes frappées d'un handicap mental peuvent pratiquement échapper à l'acceptation des risques (Note E.Cordelier sous Civ.2e 12 juill in D La cour régulatrice se contentant, sur ce point, de vérifier, de manière laconique que la victime s'est livrée en connaissance de cause à l'activité sportive (Civ.2e 8 nov. [...]
[...] Cassant les juges du fond au visa de l'article 1384 al.1er, celle-ci a entendu rappeler, tout d'abord, que le dommage s'étant produit à l'occasion d'un jeu improvisé par des mineurs, et non dans le cadre d'une compétition sportive, la cour d'appel ne pouvait se prévaloir de ce que la victime aurait accepté les risques du jeu pour écarter l'application de l'article susvisé. En outre, les juges du quai de l'horloge ajouteront que la balle de tennis ne saurait être considérée comme étant l'instrument du dommage en ce que celle-ci avait été projetée vers la victime par le moyen d'une raquette de tennis appartenant à un autre enfant et dont celui-ci avait alors l'usage, la direction et le contrôle. [...]
[...] La Cour de cassation n'avait d'ailleurs pas hésité à rejoindre une telle analyse s'agissant d'un match de tennis ou de tennis de table ; bien que projetée par une raquette, c'est ici le rôle causal de la balle qui avait été retenu (Civ.2e 20 nov avril 1988 analyse d'ailleurs partagée au fond ; TGI Bordeaux 28 avr. 1987). Dans une conception traditionnelle de la responsabilité du fait des choses, la chose médiate aurait dû être considérée comme étant l'instrument du dommage. [...]
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