L'autonomie de la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, semble proscrire toute intrusion du droit commun dans la prise en charge des accidents de la circulation. Toutefois, l'élimination des articles 1382 et suivants peut se révéler inéquitable lorsque le conducteur est un préposé. Tel était le cas dans l'affaire ayant donné lieu à la décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 28 mai 2009.
Les faits étaient relativement simples. Un accident de la circulation, survenu le 29 septembre 1992, avait mis en cause, d'une part, le véhicule conduit par un salarié chauffeur poids lourd, dans le cadre de son activité professionnelle et, d'autre part, celui d'un autre conducteur. Ce dernier ayant été blessé avait assigné le salarié en responsabilité au lieu d'engager une action contre l'employeur, propriétaire du véhicule. Le préposé conducteur fut condamné en première instance à indemniser la victime des différents chefs de préjudice corporel. Cette condamnation fut confirmée en appel sur le fondement de l'autonomie et de l'exclusivité de la loi du 5 juillet 1985.
Dans son pourvoi, le préposé invoquait le bénéfice de l'immunité civile consacrée par la jurisprudence dite Costedoat. En droit commun de la responsabilité des commettants, le salarié qui agit dans les limites de la mission qui lui a été impartie n'engage pas en principe sa responsabilité personnelle. La Cour de cassation devait donc se prononcer sur l'application de cette protection aux accidents de la circulation régis par un texte spécial.
[...] Appliquée au cas particulier des accidents de la circulation, l'action récursoire du commettant est neutralisée par l'existence d'une obligation d'assurance. En principe, il n'y a pas de question de contribution à la dette. Toutefois, dans notre espèce, le fonds de garantie avait été sollicité, vraisemblablement parce qu'il n'y avait pas d'assureur. Si, comme l'avait décidé la cour d'appel, l'immunité du préposé était exclue, ce fonds de garantie aurait été subrogé dans les droits de la victime et aurait pu exercer un recours contre le préposé. [...]
[...] L'abandon du critère de la garde du véhicule Dans l'arrêt du 28 mai 2009, la deuxième chambre civile utilise la jurisprudence Costedoat pour écarter la responsabilité du préposé conducteur. Or, traditionnellement, elle faisait référence à la notion de garde pour parvenir au même résultat. Ce changement facilite dans les faits l'action de la victime d'un accident de la circulation. De manière générale, la jurisprudence décide que les qualités de gardien et de préposé sont incompatibles (v. Casso civ févr. 1929). [...]
[...] Dans une telle hypothèse, la victime d'un accident de la circulation doit se retourner contre le préposé conducteur. Après de multiples interventions, l'assemblée plénière a jugé que l'abus de fonction supposait la réunion de trois critères cumulatifs. Le commettant ne s'exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions (Cass. ass. plén mai 1988, D p note C. Larroumet; Defrénois 1988, art 90, obs. [...]
[...] En cassant l'arrêt de la cour d'appel, la Haute Juridiction opte expressément en faveur de l'immunité du préposé, fût-il conducteur. Elle affirme, dans son attendu principal, que le salarié conducteur d'un véhicule qui appartient à son commettant et qui agit dans les limites de sa mission n'est pas tenu à indemnisation à l'égard de la victime de l'accident. Par cette décision, il ne fait aucun doute qu'une brèche est ouverte dans l'autonomie et l'exclusivité de la loi de 1985. Toutefois, cette mise à mal du texte spécial n'est rendue possible que parce que le droit à réparation de la victime est sauvegardé (II). [...]
[...] Certes, la réparation de la victime demeure garantie par l'assureur du préposé, mais qu'en sera-t-il si ce dernier n'est pas assuré? Cette fois encore, l'immunité est reconnue au préposé salarié. La jurisprudence n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur le cas d'un préposé occasionnel. En matière d'accident de la circulation, l'hypothèse a tout lieu d'être fréquent. En effet, la personne qui prend le volant et conduit sous les instructions du gardien a pu être qualifiée de préposé occasionnel. Le régime particulier d'indemnisation des accidents de la circulation ne s'oppose pas à ce que l'immunité lui soit reconnue. [...]
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