Par son arrêt rendu le 28 juin 1995, la deuxième chambre civile confirme son ralliement à la position de la chambre criminelle en ce qui concerne l'évaluation des préjudices subis par une victime en état végétatif.
La victime d'un accident de la circulation est restée en état végétatif chronique. Son tuteur intente alors en son nom une action en réparation de son préjudice. La cour d'appel refuse d'allouer à la victime des dommages et intérêts au motif que l'état végétatif de la victime rendait inopérant ce mode de réparation, car en raison de son inconscience, toute compensation du dommage subi par l'utilisation d'une somme d'argent est exclue.
Le problème posé à la Cour de cassation était donc le suivant : une victime réduite à l'état végétatif subit-elle un dommage moral susceptible d'être indemnisé ?
La Cour de cassation répond par l'affirmative et casse l'arrêt au visa de l'article 1382. Elle affirme sous forme de principe que « l'état végétatif d'une personne humaine n'excluant aucun chef d'indemnisation, son préjudice doit être réparé dans tous ses éléments. »
[...] Une appréciation objective du dommage moral de la victime en état végétatif Le principe énoncé par la Cour de cassation rejette à la fois la conception subjective du préjudice et la conception subjective de la réparation A. Le rejet conception subjective du dommage moral En réaffirmant que l'état végétatif d'une personne humaine n'excluant aucun chef d'indemnisation, son préjudice doit être réparé dans tous ses éléments la deuxième chambre civile de la Cour de cassation reprend l'attendu de principe inauguré dans deux arrêts du 22 février 1995. [...]
[...] La question passe en général inaperçue en raison du pouvoir d'appréciation souveraine dont disposent les juges du fond en la matière, elle surgit ici dans une situation extrême. Faut-il sans égard à la personne de la victime considérer que l'argent possède un caractère satisfactoire constant? De façon générale, une réponse positive semble s'imposer: on peut penser qu'une même somme d'argent procure davantage de plaisir à une personne pauvre qu' à une personne riche, mais est-ce là une raison pour considérer que la souffrance de celle-ci vaut plus chère que la souffrance de celle- là? [...]
[...] En effet, ce n'est pas seulement pour les personnes inconscientes que l'appréciation et l'évaluation monétaire d'un préjudice moral sont plus qu'approximatives. C'est pourquoi il est de façon générale douteux de vouloir réparer ces dommages par une somme d'argent. Dans son admission sans réserve du caractère repérable de ces préjudices, le droit français est d'ailleurs plutôt isolé. Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas sanctionner les auteurs de ces préjudices, même par la responsabilité civile. Mais il faudrait alors définir plus précisément les fonctions de cette responsabilité et admettre officiellement que la réparation n'est pas la seule de ces fonctions. [...]
[...] C'est donc le préjudice lui-même et le montant de la réparation qui sont appréciés objectivement. Cette solution ne présente cependant pas seulement des avantages. II. Une appréciation discutable du dommage moral La solution retenue par la Cour de cassation peut être considérée comme humaniste et rationnelle , mais elle apparaît également comme inappropriée et arbitraire A. Une solution humaniste et rationnelle La solution est tout d'abord humaniste parce qu'elle respecte la dignité des personnes inconscientes. Le refus de l'indemnisation serait un refus de protection des droits qui appartiennent à tout être humain, qu'il soit conscient ou non. [...]
[...] La solution est également d'une certaine façon rationnelle, parce qu'elle permet d'appuyer l'évaluation du préjudice sur des critères objectifs et vérifiables. Non seulement, il n'est pas toujours facile de distinguer entre les personnes totalement inconscientes et celles qui ressentent encore quelque chose, il est de façon générale impossible de scruter la conscience d'une personne pour connaître l'étendue réelle de sa douleur. B. Une solution inappropriée et arbitraire Les critiques que l'on peut adresser à la solution sont en partie spécifiques, mais rejoignent pour la plupart celles qui s'opposent à la réparation pécuniaire des préjudices moraux en général. [...]
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